ne comprend pas que cette vengeance puisse s’étendre à son pays. Et puis, les temps sont changés, maintenant :
- Pour chacun, même droit et même devoir,
- Le pauvre ne saigne plus pour le riche,
- Et quand le tambour appelle aux armes,
- Pauvre et riche partent au bras l’un de l’autre…
L’unité de la nation s’est faite dans le péril ; un immense élan d’enthousiasme emporte tous les jeunes hommes à la défense de la patrie. Henri veut être un de ceux-là, un des plus ardens, un des plus vaillans. Et c’est à ce moment-là que son père lui révèle le secret de sa vie : il a été nourri, élevé avec l’argent des envahisseurs ; il ne s’appartient plus ; l’œuvre paternelle pèse sur lui ; il est espion sans le savoir. Et il connaît le sens du mot « patrie, » qu’ignore le vieux maître d’école ! Et il peut calculer tout le mal dont il a été l’involontaire ouvrier !
- —… Mon père, pour ton amour, mon cœur
- Est à tes pieds. Mais que tu m’aies donné ce que tu m’as donné
- Aux dépens de ma patrie, — pour cela, Pour cela…
- — Henri !… Ton père !
- — Tu es mon père, laisse-moi passer en silence.
- Qu’un autre juge entre toi et moi !
La rancune du vieil homme s’est changée en idée fixe et ne désarme pas : il s’effondre comme le passé de tyrannie et d’injustice dont il a été la coupable victime. Et l’ère nouvelle s’ouvre aux jeunes gens, instruits au sacrifice par le malheur public, prêts à mourir pour la patrie qu’ils ont appris à aimer en la voyant lacérer.
L’idée est forte. Si j’en suivais le développement à travers les détails de la pièce, elle paraîtrait, je le crains, plutôt affaiblie par les inventions de M. de Wildenbruch. On n’atteint jamais à la grandeur que par la simplicité ; et notre auteur, — nous l’avons vu, — affectionne les reviremens, les coups de théâtre, les petits moyens romanesques par lesquels on s’ingénie à captiver l’attention des spectateurs, quand on ne se sent pas de force à la conquérir de haute lutte. Cette faiblesse est d’autant plus choquante qu’elle se trouve en quelque sorte accentuée par l’importance des intérêts transportés à la scène et par le caractère national ou dynastique des sujets choisis. Pour le soutenir,