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ROCHOW
Ami des bourgeois et des paysans ? Non !

Rochow fomente la révolte, mais ses camarades eux-mêmes subissent l’ascendant qui s’impose. Que pourrait-il contre un jeune homme de vingt ans qui dit tranquillement, quand on le menace : « Dieu a encore besoin de ma vie. » Il sera à la fois, comme Dietrich Quitzow, la victime de son aveuglement et le symbole sacrifié d’un régime qui disparaît ; et comme Frédéric Ier, Frédéric-Guillaume, héros d’une ère nouvelle, triomphera dans la joie de son peuple :

«… Avec ses vingt ans, dit Guillaume II, il dut assumer seul la tâche de relever son pays. Il n’avait personne avec lui : le grand homme d’Etat qui avait servi son père avait travaillé pour lui-même, et le jeune maître avait à choisir seul sa nouvelle voie. Grâce à son inébranlable courage, à son puissant regard de voyant qui regardait loin dans l’avenir, à son inébranlable confiance en Dieu, il réussit à créer de rien une armée, avec laquelle il se fit également respecter de ses amis et de ses ennemis[1]. »


Avec les deux pièces populaires qui se passent au temps de Frédéric II, nous sortons de la haute politique : ce n’est pas dans la marche des événemens historiques, c’est dans les détails de la vie nationale que s’affirme maintenant le « rôle providentiel » des Hohenzollern. Jugez-en d’abord par le Garçon d’Hennersdorf :

Une brave fille, Auguste Hambring, a été aimée par un sous-officier aux dragons d’Ansbach-Bayreuth, nommé Ludolf. Comme Ludolf était trop pauvre pour l’épouser, elle s’est contentée d’une simple promesse, et s’est donnée, confiante en la loyauté du jeune homme. Sans nul doute, Ludolf aurait tenu sa parole ; mais il a été tué à la bataille de Hohenfriedberg. Auguste est devenue mère. Ses parens l’ont chassée. Son enfant est élevé dans un moulin de la banlieue, à Hennersdorf. Elle est femme de chambre chez de vilains rentiers, les Pepusch, qui ont des chiens, des perroquets, des domestiques dressés « à la française, » et beaucoup plus de sympathie pour le roi de Pologne que pour

  1. Ouvrage cité. p. 150.