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Debout, avant qu’il soit trop tard !
Brandebourg, Marche allemande,
Au milieu de la mer agitée,
Sois le phare élevé et fort !
Fils de mon frère, prince allemand,
Tire aujourd’hui de bon gré ton épée,
Avant d’y être forcé demain !
Il a des millions (d’hommes) en pays allemand
Qui regardent vers toi, comptent sur toi, espèrent en toi ;
Hohenzollern, étends la main,
Dis : leur doctrine est ma doctrine,
L’Allemagne n’est plus à Vienne,
Je suis l’Allemagne,
L’Allemagne est à Berlin.


Voilà qui est clair ! Mais Jean-Georges se trompait de deux siècles : les temps n’étaient point mûrs. Et il se trompe sur un autre point : étant de son pays et de sa foi plus encore que de sa race, il cherche un autre prince à qui confier la mission dont Georges-Guillaume ne veut pas. L’exaltation le rend superstitieux ; trompé par de vains signes, il met son influence au service de l’Electeur palatin, un pauvre maître, impuissant, puéril, que les armées de Tilly auront bien vite déblayé. Et il meurt en criant : « Allemagne ! Allemagne ! » et en cherchant au fond de lui l’image de « l’enfant aux boucles blondes qu’il a jadis, à Berlin, porté dans ses bras[1] ! »

Le Generalfeldoberst est le drame de l’Annonciation. Voici paraître, dans le Nouveau Maître, le Messie promis, — l’enfant aux boucles blondes, le prince Frédéric-Guillaume, — le Grand-Electeur de demain.


Vingt années ont passé. La guerre, que la révolte de Prague a déchaînée, continue à désoler l’Allemagne. Dans le Brandebourg, la faiblesse de Georges-Guillaume et la politique égoïste et pusillanime de Schwarzenberg ont porté leurs fruits. Le pays est dévasté, presque aussi misérable qu’au temps où les reîtres des Quitzows le mettaient à sac. Des chefs militaires, abandonnés à eux-mêmes, en absorbent les dernières forces à leur profit, aussi inconsciens et rapaces que les anciens Raubritter. Le

  1. Je cherche à serrer d’aussi près que possible les idées historiques de M. de Wildenbruch. C’est pour cela que j’écarte de ces analyses les élémens romanesques qu’il a introduits dans ses pièces avec plus ou moins de bonheur.