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Tu n’as pas peur de ta vieille grand’mère ?
Non, non, toute sa figure rayonne !
O germe de héros ! ô splendeur !…


A côté d’elle, Jean-Georges, oncle de l’Electeur-margrave de Brandebourg-Jägernsdorf et « Generalfeldoberst » des États de Silésie, — qui n’est pas le prince régnant, — est le vrai Hohenzollern. C’est lui qui représente les fortes vertus des aïeux, qui possède le sens de leur politique traditionnelle, qui incarne leur ténacité désintéressée à sa manière, dévouée aux intérêts du pays confondus avec ceux de la famille. Aussi est-il pour les révoltés de Prague, qui viennent de rompre avec leur empereur (Ferdinand II) et qui demandent un roi ; et il veut que son neveu assume la tâche de restaurer à la fois l’Empire qui s’effondre et la religion dont la liberté est menacée. Il vient à lui, comme un prophète :


Tes aïeux m’envoient à toi
Pour poser sur ta jeune tête
La couronne d’épines du grand devoir[1].


Le jeune Electeur l’écoute d’une oreille distraite, plus favorable aux sons de l’autre cloche, que sonne de l’autre côté le comte de Schwarzenberg. Jean-Georges est véhément, éloquent, mystique : il perd sa peine, il ne persuadera pas. Mais on a fait du chemin depuis deux siècles. Ce Hohenzollern n’a plus les regards bornés par les étroites limites de la Marche. Il voit plus loin, il aspire à s’étendre au-delà. S’il est encore du Brandebourg, il est déjà un Allemand. Précurseur de Frédéric II, il comprend que la Bohême, la Silésie et la Marche, qui ne sont plus d’accord avec l’ancien Empire, sont l’avant-garde de l’Allemagne future, et combattent pour elle. Précurseur du Grand-Electeur, — le petit prince qui vient de naître, — il cherche l’âme de cette Allemagne nouvelle, et la voit « dans la foi protestante. » Précurseur du prince de Bismarck, — et peut-être d’autres encore, s’ils achèvent la tâche, — il pressent dans sa famille le principe de force et d’unité qui réalisera cet Empire virtuel prêt à s’élever sur les ruines de l’Autriche :


Hohenzollern, je t’invoque,
Écoute ce que dit Hohenzollern :
  1. Acte II, scène 10.