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WlNS.
Il le doit ! Il le peut ! Il ne doit pas nous oublier !
Il a créé la Marche un jour
Avec le reste du monde. (Il s’agenouille.) Écoute-moi ! Écoute-moi !
Les hommes ne veulent rien savoir du pays
Qui est entre l’Elbe et l’Oder… Toi,
Tu ne dois pas penser ainsi, car tu n’es pas un homme !
Ils disent que notre pays est laid, sablonneux…
Mais ce pays de sable, c’est toi qui l’as fait ;
Et tu as mis des hommes dans la Marche ;
Et nous sommes d’os et de chair comme les autres !
Quand on nous prend notre pain, nous avons faim ;
Quand on nous prend nos biens légitimes, notre maison, nos habits,
Nous sommes nus et nous avons froid comme les autres ;
Et tout cela nous arrive chaque jour,
Et tu laisses faire et tu n’empêches pas !
Tu es un maître riche et nous sommes pauvres,
Et pourtant, nous sommes tes enfans !
Un père doit avoir soin de ses enfans,
Tu nous l’as appris toi-même, — aide-nous donc !
N’abandonne pas la Marche ! aide-nous !


Les Berlinois ont un précieux otage contre Quitzow : son jeune frère Conrad, qu’il redemande en offrant, si on le lui rend sain et sauf, de rompre avec les ducs de Poméranie et de s’allier avec Berlin. En vain Thomas Wins proteste contre cette proposition, jugeant qu’il n’y a point d’alliance possible avec un bandit sans foi ni loi ; elle plaît aux Berlinois, soucieux de leur sécurité. Et ils l’acceptent d’autant plus volontiers que le jeune Conrad, ému par le spectacle de misère auquel il vient d’assister, déclare qu’il se sent solidaire de ses compatriotes, qu’il épouse leur cause, que son frère sera le sauveur espéré, le défenseur de leurs biens et de leurs droits.

Mais, si Dietrich de Quitzow cherche à s’allier aux Berlinois, c’est pour lui, non pour eux : las de servir des maîtres lâches et pusillanimes comme les ducs de Poméranie, il leur tourne le dos sans le moindre scrupule, pour aller à la ville prospère dont la richesse augmentera la force de ses bandes. Conrad essaye de lui expliquer ce que ses nouveaux amis attendent de lui, ce qu’il doit leur donner. Il ne comprend pas. Le mot de « compatriotes » appliqué à des artisans et à des boutiquiers, le fait rire ; il trouverait ridicule de se faire aimer d’eux. Un instant,