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de ses ruines, et la mort du Margrave va encore augmenter cette anarchie. Où trouver « l’homme de cœur et de main » qui vienne en aide à ce malheureux pays ? Personne n’en a nulle envie : le brandebourg est un pays sablonneux et pauvre, où il y a des coups à recevoir et peu de chose à gagner. Qui voudra bien le prendre ? Un homme pourtant s’avance, à l’étonnement de tous : le burgrave Frédéric de Hohenzollern, qui dit à l’Empereur :


Si Dieu m’en fait la grâce,
Je suis celui que vous cherchez.


Son œil clair brille comme celui d’un envoyé du ciel ; il n’est point en vêtemens de cour, mais en cuirasse, l’épée au côté, et son port domine les autres. L’Empereur le regarde, et lui rappelle les difficultés de la tâche :


Veux-tu exposer ta vie
Constamment à la mort,
Rien que pour sauver un peuple
De sa profonde misère ?


Le Hohenzollern répond simplement : « Oui. » Et il part pour le Brandebourg. Et l’ordre et la paix s’y rétablissent aussitôt, et les paysans chantent :


Sire Dieu dans le haut du ciel,
A toi les louanges et les mercis !
Mon champ a de nouveau sa moisson,
Mes enfans retrouvent leur pain.
Vive le Hohenzollern,
La misère est finie !


Les deux vers soulignés sont le leitmotiv de tous les drames brandebourgeois de M. de Wildenbruch. Le Hohenzollern apparaît : tout s’arrange. Il est le Balder des vieilles légendes germaniques, le soleil qui chasse la nuit, le chevalier de la justice, le défenseur des opprimés, — et aussi, il faut bien le dire, le deus ex machina qui dénoue par un coup d’autorité les fils d’une action souvent très compliquée. On en peut juger déjà par le drame des Quitzows, qui nous montre en action les débuts de Frédéric Ier. Ce drame a été l’un des plus applaudis de notre auteur : joué sur la scène de l’Opéra de Berlin, le 9 novembre 1881,