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annonçant que la maçonnerie française veut « solliciter du gouvernement allemand le réveil des loges maçonniques de l’Alsace et de la Lorraine. » Il n’y avait que le premier pas qui coûtât : les profanes sont avertis que le premier pas est fait. La Grande Loge, organe central des rites écossais, affectait la même désinvolture : dans son « banquet d’ordre, » en décembre 1899, on buvait tour à tour « aux aspirations humanitaires de toutes les grandes loges et de tous les Grands-Oriens, » à « l’Humanité définitivement bonne et réconciliée ; » et, dans le toast indispensable à la France, on vantait en elle « le pays qui pratique le plus sincèrement l’altruisme, une des parties constituantes de cette immense patrie qui s’appelle l’humanité. » On discutait en cette Grande Loge, sans oser encore arriver à une conclusion ferme, un projet d’affiliation à la maçonnerie allemande ; et l’on décidait sans délai de rétablir en tête de certaines feuilles de papier à lettres la mention du Grand Architecte de l’Univers, afin de renouer avec les loges anglaises, demeurées spiritualistes, la correspondance suspendue depuis vingt-deux ans. C’était se moquer, tout ensemble, de l’Angleterre et de Dieu, mais qu’importe ? Si l’on voit, à la rue Cadet, les ennemis-nés de toutes mômeries continuer de pratiquer le rituel, c’est parce qu’en 1883 une certaine commission de révision liturgique résolut de maintenir, sous les espèces du symbolisme maçonnique, des liens d’intelligence avec les Frères de tous les pays étrangers ; ce symbolisme est un gage d’internationalisme ; et si la comédie humanitaire a besoin de Dieu lui-même comme comparse, on fera, s’il le faut, rentrer Dieu.

Le désagrément qu’il y a, pour des esprits pareillement émancipés, à employer de temps à autre des artifices de sacristie, est compensé, quelquefois, par des jouissances bien délicates : telle, la satisfaction qu’éprouva le Grand-Orient, en 1900, lorsque le congrès international qu’il avait rassemblé à Paris décida l’établissement, en Suisse, d’un bureau maçonnique international. Le secret qui « couvrit » l’assemblée, et qu’aucun imprimé n’a jusqu’ici violé, cache tout autre détail. Ce bureau s’occupera-t-il, surtout, d’aider la maçonnerie suisse à mettre sous la tutelle des Grands-Oriens, comme elle y travaille depuis vingt ans, le « mouvement d’arbitrage international ? » Il est permis de le présumer ; mais nous préférons sceller notre ignorance par un point d’interrogation, dont l’occultisme maçonnique est seul