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l’acacia cet arbrisseau rabougri qu’on appelait l’Union patriotique, d’écouler un « Frère » de la Rose Ecossaise, qui rappelait que la maçonnerie ne s’inquiète pas des nationalités ; qu’elle vise à l’abolition des frontières ; et qu’elle a des signes pour que tous ses adeptes se puissent secourir, même en temps de guerre ?


III

On devine quel désarroi suivit cette déception : il est équitable de ne le point oublier, pour apprécier ce qu’on a nom nié, dans les annales maçonniques, l’incident du Globe. La loge le Globe, de Vincennes, en 1886, discuta sérieusement s’il était de l’intérêt de la maçonnerie que l’Alsace-Lorraine restât allemande. Des indiscrétions, et l’émoi bien naturel de la loge Alsace-Lorraine, révélèrent aux profanes le genre de travaux qu’on faisait à Vincennes. Des polémiques suivirent ; six ans après, elles duraient encore ; et le Grand-Orient, pour y mettre un terme, publiait à l’usage des laïques, en 1893, une longue déclaration sur l’incident. Mais entre 1886 et 1893, le maladroit « vénérable » dont le maillet avait présidé cette bizarre discussion avait reçu, solennellement, une « splendide médaille ; » et pour voir clair en cette affaire, les détails trop ignorés qu’apportait dès 1887 un publiciste maçonnique, M. Léon Marot, ont plus d’intérêt historique que les tardives explications du Grand-Orient.


Il avait été démontré à la loge le Globe, nous dit M. Marot, que la guerre anéantirait pour un siècle les espérances des républicains. Vaincus, c’était le morcellement de la France et l’écrasement de la République ; vainqueurs, c’étaient l’avènement d’une dictature militaire, le réveil, plus vivace que jamais, des haines de race, et par conséquent l’isolement de la France, l’ajournement du triomphe de la démocratie universelle par la fédération des peuples. La loge estimait que nos frères d’Alsace-Lorraine avaient mieux à faire que de confier le drapeau de la revanche à des curés soi-disant patriotes, c’était de faire une alliance étroite avec la démocratie socialiste de l’Allemagne. Deux loges parisiennes furent seules à s’émouvoir : l’Alsace-Lorraine et le Temple des Amis de l’honneur français. Fort heureusement, la grande famille maçonnique, qui s’étend dans toutes les parties de l’univers et dont le cosmopolitisme est la base fondamentale, la raison d’être, ne pouvait recevoir aucune atteinte de ces tentatives de quelques frères, qui semblent peu comprendre l’esprit de la sublime association à laquelle ils appartiennent.


C’est en ces termes qu’en 1887 M. Léon Marot commentait