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PATRIOTISME ET HUMANITARISME
ESSAI D’HISTOIRE CONTEMPORAINE

V.[1]
L’ÉVOLUTION RÉPUBLICAINE (1882-1900)

Deux batailles affermirent la troisième République : la première fut gagnée sur les anciens partis, avec plus de fracas que de péril ; la seconde, plus occulte, plus disputée, jamais décisive, fut engagée par Gambetta, puis par Ferry, contre le parti républicain lui-même. Ce parti, pénétrant dans la place conquise, eût volontiers introduit à sa suite son antique attirail d’utopies et sa tardive arrière-garde de préjugés, utopies internationalistes qui tendaient à niveler les frontières, préjugés antimilitaristes qui risquaient de les dégarnir. Mais les gouverneurs de la place, Gambetta d’abord, Ferry dans la suite, savaient par expérience combien ces utopies et combien ces préjugés avaient, en 1870, affaibli notre vigueur militaire, abaissé la température de nos âmes et paralysé notre élasticité d’attaque. On avait, à la fin de l’Empire, sous le nom d’idéal républicain, professé des doctrines incompatibles avec l’intérêt réel de la patrie ; puis, au lendemain de la guerre, à l’heure où divers drapeaux s’étaient disputé l’honneur d’ombrager la France, les gauches avaient présenté, comme références, les souvenirs de la Défense nationale et le nom de Gambetta. Ces références, flatteuses pour le patriotisme,

  1. Voyez la Revue des 15 juillet et 15 octobre 1900, 1er mai et 15 juin 1901.