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lant soldat, y a-t-il en lui un politique ? L’événement seul pourrait le dire. Quelques jours à peine avant l’assassinat du président, M. Roosevelt prononçait dans le Minnesota un discours qui a fait le tour de la presse en Amérique et en Europe : on a cru comprendre qu’il était partisan de l’intervention dans le conflit ouvert entre la Colombie et le Venezuela. Il parlait de la nécessité pour les États-Unis d’assumer un grand rôle devant le monde, et surtout de ne souffrir à aucun prix l’extension territoriale d’une puissance européenne quelconque sur le continent américain. Ce dernier danger est si peu à craindre que M. Roosevelt ne l’a sans doute signalé et repoussé que pour donner plus de sonorité à son éloquence. Quoi qu’il en soit, les tendances de son esprit sont connues. Si l’opinion cédait à des entraînemens impérialistes, nous ne disons pas que M. Mac-Kinley y résisterait ; mais M. Roosevelt ferait sans doute plus que s’y prêter, il activerait le mouvement, — à moins toutefois que le sentiment de la responsabilité ne lui fit voir les choses sous un jour un peu nouveau. Nous sommes très loin de dire et de croire que son arrivée au pouvoir devrait nécessairement inspirer des inquiétudes. Au surplus, le rétablissement de M. Mac-Kinley est en bonne voie. Les vœux qui ont été exprimés pour lui dans tout le monde civilisé ont, dès aujourd’hui, les plus grandes chances de se réaliser. S’il en est ainsi, l’horreur de crime de Czolgosz n’en sera pas diminuée, mais les conséquences politiques en seront évitées. Il n’en restera qu’un nouvel avertissement donné par l’anarchisme à la société universelle, dont il est le persévérant et implacable ennemi.

Avant la fin du mois actuel doivent avoir lieu les élections aux conseils du travail. Nos murs sont, depuis quelques semaines, couverts d’affiches qui convoquent les électeurs. Mais il est à craindre que les électeurs ne répondent pas en grand nombre à cet appel, et qu’une institution qui a été peut-être la plus grande pensée du ministère de M. Millerand ne soit venue au monde en quelque sorte mort-née. Il n’est pas sans intérêt de rechercher pourquoi.

On sait qu’il existe un conseil supérieur du travail, institution qui n’est pas exempte de défauts, mais qui est incontestablement utile et pourrait facilement le devenir davantage. M. le ministre du commerce et de l’industrie s’est demandé s’il n’y avait pas lieu, à côté et au-dessous de ce conseil supérieur, d’en créer d’autres dans tous les endroits où l’utilité s’en ferait sentir. Quand nous disons que M. Millerand a eu cette idée, le terme est inexact ; il a seulement voulu la réaliser.