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autant de l’assassin de M. Canovas del Castillo et de celui du roi Humbert. Il y a là, chez certains individus, une maladie toute moderne et d’un caractère inconnu jusqu’à notre époque. Les journaux avancés disent qu’il ne faut pas rendre une doctrine responsable de la folie de quelques individus ; mais alors, où la responsabilité ? Quoi ! Tous les misérables dont nous venons de rappeler le crime n’ont eu qu’une explication à la bouche après l’avoir accompli, à savoir qu’ils étaient anarchistes, et on veut que les gouvernemens ne s’émeuvent pas en présence de cette constatation ! Ils prennent mille précautions contre le danger des explosifs dans les villes populeuses, et ils n’en prendraient aucune contre l’inévitable action d’une doctrine de destruction et de mort sur des cerveaux faibles et violens ! Jamais les crimes de ce genre n’ont été plus fréquens que depuis quelques années, et jamais surtout ils n’ont mieux atteint leur but. Autrefois le roi Louis-Philippe, pour ne parler que de lui, a été l’objet d’une quinzaine de tentatives d’assassinat, toutes sans résultat. Les opérateurs d’à présent sont plus habiles ou plus hardis. Ils approchent de plus près leur victime. Ils lui tendent au besoin une main perfide pour les tenir à la portée de l’autre, et les frapper d’une manière plus sûre. Aussi, lorsqu’ils manquent leur but, est-ce l’exception. Tel est le mal nouveau dont toutes les sociétés civilisées sont atteintes : à elles de se défendre.

Il semblait, avons-nous dit, que le président Mac-Kinley devait être moins que personne exposé à de semblables attentats. Mais ceux qui les commettent sont incapables de raisonnement : sans quoi ils s’apercevraient bien vite, — et au besoin les leçons de l’histoire les en instruiraient, — qu’ils font œuvre essentiellement vaine, et qu’en frappant un homme qui n’est quelque chose que par l’institution qu’il représente, ils peuvent tuer l’homme sans doute, mais ne font aucun mal à l’institution. M. Carnot a péri : dans les quarante-huit heures, il a eu un successeur. Aux États-Unis, la succession même est assurée par avance, puisqu’il y a, à côté du président, un vice-président toujours prêt à le remplacer. Tout a été prévu, et il faudrait la disparition simultanée du président et du vice-président pour provoquer une crise qui, même alors, ne serait pas bien grave, car le Congrès y pourvoirait comme il le fait chez nous en quelques heures. Si ce n’est pas le président que Czolgosz a cru supprimer, serait-ce à l’homme qu’il en voulait ? Comment le croire ? M. Mac-Kinley est doux, correct, bienveillant. Il n’a pas et ne saurait avoir un seul ennemi personnel. Quelques vives qu’aient été les luttes électorales qui se sont déroulées à deux reprises autour de son nom, elles n’ont