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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 septembre.


On vient de voir une fois de plus que les présidens de république ne sont pas mieux à l’abri des tentatives d’assassinat que les rois et les empereurs. L’attentat de Buffalo a provoqué une réprobation unanime dans le monde civilisé : il n’a d’ailleurs surpris personne. S’il y a pourtant un homme qui semblait devoir échapper aux entreprises meurtrières des anarchistes, c’est bien M. Mac-Kinley ; mais pourquoi en aurait-il été exempt, puisque M. Carnot ne l’a pas été, et puisque l’aveugle fureur de la secte n’a même pas respecté dans l’impératrice d’Autriche la femme la plus inoffensive qu’il y ait jamais eu ? Les assassins d’autrefois cherchaient à supprimer un homme à cause du rôle qu’il jouait dans le monde, des responsabilités qu’il avait assumées, de celles qu’il pouvait encourir encore. Ils croyaient accomplir à la fois une œuvre vengeresse et préventive. Leur crime n’en était pas moins odieux, mais du moins il avait un sens. Avec nos anarchistes contemporains, il n’en est plus de même. Ils frappent indifféremment un roi, un empereur, un ministre, une femme, enfin tout ce qui, soit par le fait d’une intelligence supérieure, soit par celui d’une convention sociale, dépasse la foule de la hauteur du front. Cela suffit. Des hommes obscurs, venus on ne sait d’où, sortent subitement de cette foule avec un couteau ou un revolver à la main ; et ils frappent, ils blessent, ils tuent. Czolgosz, l’assassin de M. Mac-Kinley, ne connaissait pas le président. Q n’avait contre lui aucun motif de haine personnelle. Il n’avait aucun grief à venger. Pourquoi donc a-t-il tiré sur lui ? Il n’en a donné qu’une raison, à savoir qu’il était anarchiste. Pourquoi Caserio a-t-il tué d’un coup de poignard le président Carnot ? C’est qu’il était anarchiste. Pourquoi un autre a-t-il frappé au cœur l’impératrice Elisabeth ? Toujours le même motif. Nous en dirons