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Non pas, au moins, que je reproche à M. Friedrich cette partialité ! Elle est au contraire des plus touchantes, ayant sa source dans une vénération passionnée et profonde, un véritable culte voué par l’élève à la mémoire du maître. Mais surtout elle est fatale : et si même M. Friedrich n’avait pas été tout prêt à suivre indéfiniment Dœllinger dans l’évolution de sa « libre pensée », le fait seul qu’il s’est, jadis, séparé avec lui de l’église romaine suffirait pour le mettre hors d’état d’apprécier des services rendus à cette église. C’est évidemment malgré lui que, dans la première partie de la vie de Dœllinger, il concentre tout son effort à nous montrer son héros se querellant avec un jésuite, médisant d’un évoque, ou donnant telle petite preuve de son libéralisme. Tout autre partisan des nouvelles idées de Dœllinger, en pareil cas, aurait fait de même. Si, jadis, un disciple de saint Paul avait entrepris la biographie de son maître, il n’aurait point manqué de découvrir chez lui, dans la période antérieure au voyage de Damas, mille traces décisives d’un christianisme latent. Et je dois ajouter que, avec toute leur partialité, les deux premiers volumes du livre de M. Friedrich abondent en documens biographiques très précieux sur la famille de Dœllinger, sur son éducation, sur ses amitiés de jeunesse, sur la vie universitaire à Munich au temps de Louis Ier. Mais la seule partie vraiment intéressante du livre est le troisième et dernier volume, celui où, parlant du Dœllinger qu’il a connu et aimé, l’auteur nous raconte les circonstances qui ont précédé, accompagné et suivi son excommunication.


J’aurais été heureux de pouvoir, en quelques pages, résumer ce récit d’un des épisodes les plus curieux de l’histoire religieuse contemporaine. Mais l’aveuglement de Dœllinger a quelque chose de si incroyable, les actes où il l’a entraîné ont quelque chose de si choquant, et il y a quelque chose de si ingénu dans la longue patience montrée à son égard par la cour de Rome, que je craindrais, en résumant le livre de M. Friedrich, d’être accusé, à mon tour, de partialité. Je vais donc me borner, simplement, à citer quelques faits incontestables, dont on trouvera, dans l’ouvrage allemand, un exposé minutieux. Et encore ces faits eux-mêmes risqueraient-ils de nous donner de la conduite de l’ex-chanoine une idée trop injuste, si l’on n’avait pas, au moins, une idée des véritables motifs qui la lui ont inspirée.

On se tromperait fort par exemple en attribuant une part quelconque, dans cette conduite, à l’ambition déçue. Dœllinger a toujours eu l’âme d’un ascète, comme il en avait le visage et les mœurs. Les