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Le dandy apparaît avec les premières années du XIXe siècle, et il a déjà quelques-uns des caractères de ce siècle qui devait être le siècle des parvenus. En cela il diffère profondément du macaroni qui est un pur dilettante, avec un grain de folie. Le macaronisme trouve en lui-même sa propre satisfaction, tandis que le dandysme est un moyen de se distinguer, de sortir de la foule. Le macaroni a une fortune à dépenser, le dandy une fortune à conquérir. Regardez-le dans ce grenier où nous conduit le caricaturiste. Tout ce qui l’entoure crie la misère : lui-même, dans un négligé sordide, presque nu, est occupé à cirer ses bottes ou à repasser son jabot. Vous reconnaissez toutes les pièces du bel attirail sous lequel il ira, dans une heure, se promener au Parc et essaiera d’attirer l’attention d’une héritière. Y a-t-il progrès, du macaroni au dandy ? Je ne le crois pas. En passant du premier au second, la vanité masculine tombe du ridicule à la fraude. L’homme qui se pare n’est qu’un sot ; celui qui fait de son élégance une doctrine et de sa beauté une profession est un drôle.


IV

Dans cette société comme dans la nôtre, l’un et l’autre étaient des exceptions. La grande majorité se contentait de suivre les modes et cherchait ailleurs ses jouissances. Que faisaient les gens qui ne faisaient rien ? Voici la journée d’un homme du monde d’après une caricature gravée par Rowlandson, mais dont le dessin primitif et la légende appartiennent à Woodward :

« Fait de drôles de rêves. Toujours comme ça quand je dîne avec sir Richard. Je ne boirai plus de son vin. Levé à une heure ; habillé à trois heures et demie. Une heure de promenade avec le cheval que j’ai acheté dernièrement. Charmante bête. Je la vendrai, il n’y a rien de tel que la variété. Dîné à six heures avec sir Richard. Très gai ; fait des mots, me rappelle plus. Fait enrager un clergyman ; bu trois bouteilles. Entré au théâtre en flânant. Qu’est-ce qu’on jouait ? Tragédie, comédies ? Sais pas au juste, vu seulement le dernier acte. Siddons splendide. Kemble couci-couça. Etait-ce bien Kemble ? Pris un fiacre ; descendu à Saint James Street. Fait une petite partie avec les amis. Déveine infernale. Perdu tout mon argent. »

Et voici le journal de la femme du monde :