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des modes qui ne pèchent point par la modestie. Oui sait si plus d’une n’a pas remercié en secret le caricaturiste dont l’indiscrétion faisait une réclame à sa beauté ?

Tout considéré, je crois bien que l’un des plus grands plaisirs pour les hommes et les femmes de ce temps était de s’habiller. C’est surtout la caricature qui nous donnera, — si nous faisons la part de l’exagération, — l’histoire du vêtement pendant cette époque mémorable qui voit finir le dernier macaroni et apparaître le premier des dandies. Un changement radical s’opère et il aurait, comme tous les changemens, sa raison historique et philosophique s’il correspondait à une transformation profonde dans les mœurs et dans les idées, comme on est d’abord porté à l’imaginer.

En deux mots, le costume des femmes paraît tendre vers la vérité, celui des hommes vers l’égalité et la simplicité. Au début, chacun indique son rang, sa fortune, sa profession par la manière dont il est habillé. Le grand seigneur est chamarré de broderies, chaussé de soie, cravaté de dentelles ; il porte l’épée en verrouil. Le légiste est vêtu de noir ; le médecin se reconnaît à la coiffure et à la forme de sa canne. Que je voie seulement votre jabot, votre perruque, rien que la boucle de vos souliers et je saurai qui vous êtes. Dès 1810, toutes les fractions de la société paraissent confondues dans l’unité de l’habit et du chapeau ; si bien que le même article de toilette pourra, désormais, passer d’une classe à une autre et finir sur les épaules d’un ouvrier du port après avoir fait ses débuts à Almack’s sur le dos d’un aristocrate. Pour les femmes, vous devez croire qu’elles reviennent à la nature. L’échafaudage des hautes coiffures pour lesquelles il eût fallu, à en croire les caricaturistes, percer le dessus des carrosses et des chaises à porteurs, le rouge, les mouches et la poudre, le panier, puis les robes flottantes, qui leur succèdent et qui font de la taille féminine un mythe, une énigme ; tout cela, autant de mensonges. Un principe nouveau s’établit. La robe est faite pour montrer la femme, non pour la cacher. Mais cette confession n’est pas toujours sincère ; le mensonge reprend vite ses droits, et pour mille raisons, dont quelques-unes sont fort bonnes. La morale, la vanité, l’intérêt des artistes qui embellissent la femme remettront les fictions à la mode.

Quant aux hommes, ils suivent, par habitude, les variations du costume que Paris leur envoie, malgré la guerre, malgré la