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celui des Tudors, de mettre la Révolution de 1688 dans sa poche. On verra, au chapitre de la caricature politique, ce qu’il advint de cette tentative, obstinément poursuivie pendant vingt-cinq ans et qui coûta cher au pays. Cette comédie politique eut une conclusion auprès de laquelle palissent les dénouemens les plus ingénieux et les plus hardis que Scribe ou Sardou aient jamais inventés. La bataille gagnée — et Dieu sait à quel prix ! — il se trouva qu’au lieu de rétablir l’autorité royale on avait fondé à jamais l’omnipotence ministérielle, simplement parce que le roi était un sot et le ministre un homme de génie. En sorte que la Révolution de 1688, loin de se trouver détruite ou compromise, devint complète et irrévocable.

Certes, cela est amusant pour quiconque aime à voir de petits hommes aux prises avec de grandes tâches ; mais où la bouffonnerie dépasse tout, c’est lorsque George III se considère comme le rival, l’adversaire direct de Napoléon. À Weymouth, après avoir pris son bain sous les yeux de quelques centaines de paysans attentifs, au son d’un orchestre qui le suivait dans une cabine roulante, il se risquait, sur son yacht, à un ou deux milles de la côte. Si l’on signalait un navire suspect, il lui poussait des velléités guerrières. « Ah ! s’il avait pu rencontrer ce Buonaparte, se mesurer avec lui, lui donner une bonne leçon ! » Gillray, dans un dessin dont il ne comprenait certainement pas lui-même tout le comique, a représenté George III, dans un costume quasi militaire !, observant à travers une lorgnette son ennemi qui se tient debout, de l’autre côté de la Manche, sur la falaise française. Le cou tendu, les narines ouvertes, les joues gonflées par son souffle qu’il retient, il a l’air d’un entomologiste qui étudie un insecte au microscope. C’est Perrichon devant le Mont-Blanc ; un George III géant, un Napoléon pygmée !

Si la politique de George III appelait toutes les railleries de la caricature comme toutes les sévérités de l’histoire, l’homme privé, chez lui, avait droit à certains égards qu’il n’a pas obtenus. Sa vie fut sans tache. De vagues et timides rêves d’amour avaient traversé son cerveau d’adolescent. Le pur et innocent profil d’une petite quakeresse, entrevu à travers la vitrine d’une boutique dans Long Acre, une coquette et rieuse fille, folâtrant avec un chien sur les pelouses de Holland Park, occupent un temps son imagination, mais il ne permet pas de grandir à ces amours de fantaisie. On lui montre le portrait d’une princesse allemande