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mission de dresser un rapport sur l’évacuation ou le maintien de l’occupation de l’Algérie. Cette dernière ayant voté, par 17 voix contre 2, la résolution que « l’honneur et l’intérêt de la France commandaient de conserver les possessions sur la côte septentrionale d’Afrique, » le gouvernement de Juillet se décida enfin à conserver Alger et à ouvrir la Mitidja aux colons. Ils se hâtèrent d’en profiter.

Le premier qui, s’aventurant dans la plaine, osa se montrer sur le marché de Boufarik fut M. de Vialar. A sa suite et cette année-là même 1835, d’autres Français non moins audacieux s’établirent dans la Mitidja : tels furent M. de Lapeyrière qui acheta la grande ferme de Boukandoura, M. de Saint-Guilhem qui se fixa à l’Arba, et M. de Montaigu chez les Beni-Moussa. En 1836, un groupe de colons vint résider à Houfarik et des établissemens furent créés jusqu’au pied de l’Atlas. Le nombre des fermes créées par les Européens dans la Mitidja ne tarda pas à dépasser celui des domaines possédés par eux dans le Sahel. C’est ainsi qu’en 1837, deux ans seulement après l’ouverture de la Mitidja, les colons avaient mis en culture 9 091 hectares, greffé 60 000 oliviers et planté 85000 mûriers dans cette plaine.

L’œuvre accomplie par les colons de la première heure est un témoignage magnifique de l’énergie et de l’esprit d’entreprise de la génération de 1830. Dans les domaines achetés par les colons, tout était à faire, tout était à créer. Sauf dans les propriétés de la banlieue immédiate d’Alger où se trouvaient des maisons de plaisance mauresques, d’ailleurs plus ou moins dévastées par la guerre, il n’y avait sur ces domaines aucune construction. Il fallait tout d’abord délimiter la propriété, construire la plupart du temps un mur d’enceinte, édifier une maison de maître, des communs, des abris pour les ouvriers, des hangars, des écuries, capter des sources, faire des travaux de canalisation, drainer, assainir. Certes de grosses sommes étaient nécessaires pour faire face aux premiers frais d’installation, mais les colons qui avaient de fortes avances ne reculaient pas devant les dépenses.

C’est ainsi que M. de Lapeyrière n’hésitait pas à engager 400 000 francs dans son domaine de Boukandoura. Pareille somme fut consacrée à la ferme de la Réghaïa par M. Mercier. De telles mises de fonds trouvaient largement leur emploi, car avec leur esprit d’initiative, les nouveaux propriétaires ne pouvaient se contenter des anciens erremens. Ils ne se bornaient pas seulement