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premier échelon et lui ordonnerait d’attaquer avec ses trente-deux bataillons engagés immédiatement en totalité.

Dans la guerre moderne, une troupe vaut surtout par son feu, c’est-à-dire par le nombre de fusils mis en ligue. Peu importe ceux laissés en arrière à quelques centaines de mètres. Leur action sur l’ennemi est nulle, et ils ne seront jamais si bien abrités qu’ils ne subissent cependant des pertes suffisantes pour ébranler leur moral. Il est donc inutile de les maintenir ainsi, pendant plusieurs heures dans le voisinage énervant d’un combat auquel ils ne peuvent utilement prendre part, pour ne les porter en avant qu’au moment où leur moral déprimé ne leur permettra plus de fournir le violent effort que le commandement compte leur demander.

S’il est admis qu’une armée de force égale suit la tactique du règlement russe, elle se trouvera en face d’un front de combat, qui, tout en étant plus dense en fusils actifs que le sien, pourra cependant être plus étendu et par conséquent le déborder.

Le premier échelon de l’armée allemande livrera de la sorte pour son compte une bataille à fond avec toutes ses ressources, en engageant jusqu’à son dernier homme et son dernier canon et en produisant sur l’ennemi le maximum d’effet dont il est capable.

Cet effet sera ce que les circonstances permettront qu’il soit, mais il aura, dans tous les cas, pour résultat d’accrocher vigoureusement l’adversaire, de l’engager à pousser ses réserves sur son front et à les immobiliser. L’assaillant n’aura pas vraisemblablement battu son adversaire, mais il le laissera plus ou moins ébranlé par une attaque aussi violemment conduite.

Quand ce premier effort sera terminé, c’est-à-dire quand le premier corps aura gagné tout le terrain possible et qu’il sera épuisé, la bataille marquera un temps d’arrêt. Ce sera une accalmie analogue à celle des après-midi des batailles de Gravelotte et de Saint-Privat, les 16 et 18 août 1870.

Alors le deuxième échelon, tenu jusque-là tout à fait en dehors de l’action, ayant fait manger et reposer ses hommes, viendra, soit dépasser les débris du premier, soit agir sur une autre fraction du front ou d’une aile. Il continuera les procédés du premier échelon, mais avec des troupes entièrement fraîches.

Sans doute, il se peut que l’adversaire n’accepte pas le bénéfice de l’accalmie qui lui aura été offerte et qu’il profite au