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les maladies : la mortalité et la morbidité sévissent d’une manière effrayante parmi les colons ; ce sont les années de quinine de la colonisation ; pendant cette période la colonisation officielle bat son plein. La troisième s’étend de l’année 1856 à nos jours. Dans cette période, les grands travaux d’assainissement ont cessé, la population s’est acclimatée : la natalité l’emporte enfin sur la mortalité, et l’année 1856 est la première année où ce fait se produit. L’Algérie n’est plus comme Saturne, elle ne dévore plus ses enfans. Désormais la population se reproduit par elle-même et le colon n’a plus à lutter que contre les tâtonnemens, les oscillations et les atermoiemens de l’administration. Le pays prend son essor et entre en plein développement pour aboutir à la situation actuelle.


I. — LE SOL ALGERIEN AVANT L’ARRIVEE DES COLONS.

En envoyant un corps expéditionnaire prendre pied sur la terre africaine, le gouvernement de Charles X n’obéissait pas seulement, comme on l’a dit, à la nécessité de mettre fin à des contestations pécuniaires pendantes entre la France et le dey d’Alger et à la tactique politique, qui consiste à détourner les esprits des difficultés intérieures par une diversion à l’extérieur. Il avait aussi la légitime ambition, qu’il ne craignit pas d’exposer avec une courageuse franchise au gouvernement anglais, de donner à la France, sortie affaiblie et diminuée des grandes guerres du commencement du siècle, un territoire qui fût une compensation aux prodigieux accroissemens de l’Angleterre dans le monde et des autres grandes puissances sur le continent. Il entendait créer par-delà la Méditerranée, une France nouvelle qui augmentât les richesses et la puissance de la mère patrie. Son intention bien arrêtée était d’implanter la race française sur le sol africain, en un mot de coloniser l’Algérie. Des instructions rédigées en ce sens furent données au maréchal de Bourmont ; elles lui ordonnaient, aussitôt l’occupation d’Alger effectuée, de dresser des plans de colonisation et de les envoyer à Paris. Malheureusement pour l’exécution de ce beau programme, la monarchie des Bourbons sombra et le maréchal de Bourmont dut quitter l’Algérie sans avoir pu envoyer en France les plans de colonisation demandés.

Il n’est pas bien certain d’ailleurs que le gouvernement de Charles X se fût rendu un compte suffisamment exact des