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réunions, elle travailla au Dictionnaire : elle en a donné sept éditions, et elle prépare la huitième.

Elle fut précédée par deux auteurs, dont le premier lui était étranger et dont le second, qui lui appartenait, fut éliminé par elle comme coupable de concurrence déloyale.

Richelet lui faisait en réalité une concurrence plus directe que Furetière, et il avait des académiciens pour collaborateurs. Il prétendait, comme elle, n’accueillir que les mots du « bon usage, » et présenter ainsi une sorte de « canon » des vocables admis à figurer dans la littérature. Son livre, qui parut en 1680, — à l’étranger, parce que l’Académie avait en France un privilège exclusif, — se distingue par de très réelles qualités, notamment en ce qui concerne les définitions. Il porte aussi de nombreuses marques de l’esprit original, satirique, trivial et parfois bizarre de l’auteur, esprit qui ne le rendait pas précisément propre à bien remplir la lâche qu’il s’était assignée ; aussi a-t-il admis, malgré ses principes, bien des mots qui auraient scandalisé les puristes. Son livre est encore très utile à consulter pour l’histoire de la langue et de l’idée qu’on s’en faisait à la plus belle époque du XVIIe siècle.

Le plan de Furetière était très différent de celui de l’Académie et de Richelet. Il avait prétendu d’abord ne vouloir donner qu’un dictionnaire des termes d’arts et de sciences, comme celui que compilait en même temps Thomas Corneille ; mais le privilège qu’il obtint en 1684, et que l’Académie fit annuler comme subreptice, était accordé à un « Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots français, tant vieux que modernes. » C’était donc tout autre chose que le dictionnaire choisi, et tout moderne, que préparait l’Académie ; mais les confrères de Furetière lui reprochaient de s’être largement servi de leur travail, et l’accusation semble nôtre pas sans fondement. Le dictionnaire de Furetière, comme celui de Richelet, dut paraître à l’étranger, ce qui ne les empêcha d’ailleurs pas d’être l’un et l’autre très répandus en France. Si les promesses du titre avaient été réalisées dans l’œuvre, elle aurait compris tous les mots français conservés depuis les plus anciens textes ; mais en fait la partie archaïque est très pauvre et très imparfaite. Ce qui distingue le dictionnaire de Furetière, c’est le caractère largement didactique qu’il présente. Les termes de métiers, d’arts et de sciences, qui avaient d’abord dû faire l’objet exclusif du travail,