Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un creux si réjouissant : « La Constitution ne peut se sauver que par la Constitution ? » M. de Marolles l’eût dite, elle résumait toute sa politique. Royaliste de cœur, mais infatué de son importance législative, jugeant les Jacobins trop ardens et les Feuillans trop tièdes, il en voulait au roi Louis XVI de mal seconder les efforts des constitutionnels, remparts et futurs sauveurs de la chose publique. Les lettres de la mère à son fils, durant cette année décisive qui va de septembre 1791 à septembre 1792, décèlent les fluctuations de l’opinion dans les cercles nobiliaires qui touchaient aux législateurs. Mieux que tous les commentaires, quelques extraits feront apparaître leurs illusions, leurs craintes, leurs espérances.


Septembre 1791. — « Les Jacobins toujours dominans jettent une méfiance dont une grande Assemblée devrait être préservée. Ils vont encore tourner contre les émigrés, contre les prêtres. On prétend ici qu’agir ainsi est de la dignité. J’en parle peu, car on se fâche ; tout en désapprouvant le parti jacobin, peu s’en faut qu’on en adopte les sentimens, et toujours bien persuadé que tout ira jusqu’à la fin le mieux du monde. Je le désire. »

Octobre 1791. — Au curé Leuillot. — « M. de Marolles supporte ses fatigues avec courage et espère toujours plaider la bonne cause. Tout le courroux universel ne l’effarouche pas ; il croit toujours que les choses prendront une bonne tournure et que l’on viendra à bout de mater les fougueux, Brissot, Fauchet, etc. »

Décembre 1791. — « Votre papa toujours exact à son poste : je ne sais que par les autres les vacarmes de l’Assemblée. On peut dire qu’elle va de mal en pis. Mon frère a voulu en causer avec votre papa, mais on ne peut aller loin. Son comité l’occupe beaucoup. Lui seul voit déjà nos paysans travestis en philosophes ; ce n’est assurément pas à désirer. »

Janvier 1792. — « On court toujours là-bas (en émigration)… On sait qu’ils ont la bonne volonté de remettre tout en France sur le bon pied ; reste à savoir qui sera le plus fort. C’est encore avis différent. Vous savez celui de votre papa, il est toujours le même. Il est depuis quinze jours plus content de la majorité de ses associés. Les f. B. perdent. Quel bonheur s’ils perdaient tout à fait ! »

Février 1792. — Au curé Leuillot. — « Il faut du courage pour soutenir les événemens qui se préparent, les ennemis sont bien acharnés l’un contre l’autre. Mon mari n’en a que plus d’ardeur ; sans vouloir être d’aucun club, il va être de celui de coalition qui se trouve au point milieu de ceux Jacobins et Feuillans… Il faut nécessairement des têtes froides et sensées pour les mettre tous deux à la raison. Tous deux en sens contraire ne valent rien. Il attend des merveilles de ce tiers qui deviendra majorité ; elle a bien de la peine à se former en noyau, il vaut mieux tard que jamais. »

Mars 1792. — « La guerre civile dépeuple le Midi de la France ; la guerre