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lettres de Mme de Marolles, par le détail des occupations et des divertissemens dans le Journal de M. Aubert de Fleigny, les relations sociales des honnêtes gens de Coulommiers devaient être à peu de chose près sur le pied où nous les voyons aujourd’hui.

On peut évaluer la fortune des principales familles d’après l’état des contributions patriotiques, cet emprunt déguisé qu’un décret de l’Assemblée nationale avait fixé au quart du revenu déclaré. Fortune modeste, même si l’on fait la part des dissimulations possibles ; elle oscillait entre deux et six mille livres de rente. Ce dernier chiffre n’est dépassé que par deux négocians, MM. des Escoutes. Viennent ensuite un receveur des finances, des chevaliers de Saint-Louis, des écuyers, des avocats au Parlement, un secrétaire du roi, deux gentilshommes servans de la Reine, pêle-mêle avec les bourgeois de la ville et rapprochés de ceux-ci par l’égalité des biens. Il y avait deux sociétés, sans doute, — on les retrouverait de nos jours dans chaque petite ville, — mais qui voisinaient, avec des points de contact et des fissures. Tout ce monde vivait simplement, s’amusait à peu de frais. Les officiers de la garnison mettaient de l’animation dans les parties. Il semble que le boute-en-train de Coulommiers fut M. Huvier des Fontenelles, jeune homme qui « sacrifiait aux Muses, » surtout aux Muses érotiques : ce disciple de Dorat et du chevalier de Cubières tournait galamment le vers ; il faisait l’épithalame pour les mariages, le couplet polisson pour les rendez-vous de chasseurs.

Les Quatre-Solz jouissaient d’une considération particulière, dans ce pays où ils avaient acquis la seigneurie de Marolles. Famille parlementaire au siècle précédent, les Quatre-Solz donnèrent plusieurs officiers aux armées de Louis XV. Michel de Marolles, qui avait servi aux mousquetaires pendant la guerre de Sept-Ans, épousa Mlle de Barentin, petite-cousine du garde des sceaux de Louis XVI. Nonobstant cette haute alliance, rien ne sentait l’air de la Cour, ni même l’air de Paris, chez ces braves gentilshommes briards, contens de primer dans les réunions de Coulommiers. Comme leurs voisins, les Marolles s’occupaient de la gestion de leurs terres, et ils élevaient des enfans pour le service du Roi. Ils en avaient trois, dont un atteignait l’âge d’homme en 1789.

Si cette année fut marquée par des événemens considérables,