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régiment à droite, le 1er à gauche sur trois lignes. Les bataillons de fusiliers en première ligne, les deuxièmes en seconde et les premiers en troisième ligne, le tout en colonne de demi-bataillon. Toutes les troupes sont couchées. La première ligne a déjà porté en avant ses compagnies des ailes, qui ont chacune un peloton en tirailleurs et deux en soutien. Le général von Kessel, qui commande la brigade, fait entamer le mouvement par deux huitièmes de conversion successifs, exécutés dans l’ordre initial, afin de contourner Sainte-Marie. Ce sont de véritables évolutions que le général veut exécuter comme sur le terrain de manœuvre, et il y réussit d’abord. Mais, après la première conversion, un si grand nombre d’officiers sont déjà frappés, que le second changement de direction devient très compliqué. La brigade ne peut pas l’exécuter complètement. Les pertes deviennent énormes. Les colonnes de demi-bataillons se fondent d’elles-mêmes sur la ligne de tirailleurs. Une nouvelle tactique s’improvise ; les compagnies, entraînées par les officiers encore debout, s’avancent par échelons au pas de course, avec des arrêts qui permettent de reprendre haleine. Les 5e et 8e compagnies du 3e régiment perdent tous leurs officiers avant même d’avoir pu atteindre la ligne de combat et sont complètement disloquées.

Enfin à 6 h. 45 minutes, l’attaque de la garde est arrêtée à sept ou huit cents pas des lisières Ouest et Nord-Ouest de Saint-Privat. Presque tous les officiers ont été tués ou blessés ; il reste à peine 1 sixième de l’effectif susceptible de combattre. Il n’y a plus trace d’ordre tactique.

Pour avoir voulu opérer des évolutions comme au champ de manœuvres, le général von Kessel en est arrivé à un inextricable mélange de bataillons et de compagnies. Des bataillons ont été arrêtés en formation dense avec des tirailleurs à cinquante pas devant leur front. D’où arrêt forcé à neuf cents pas environ de Saint-Privat, et des commencemens de déroute enrayés par l’énergie des officiers.

Le matin, les deux bataillons (fusiliers et 2e bataillon du 3e régiment) comptaient 1845 hommes. Ils ont perdu 26 officiers et 955 hommes, soit 92 pour 100 des officiers et 51 pour 100 de la troupe. Les neuf compagnies engagées du 1er régiment comptaient 2 025 hommes ; le soir, 29 officiers et 944 hommes étaient hors de combat (85 pour 100 des officiers et 46 pour 100 de la troupe).