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côte, en 1753, renversa presque toutes ses maisons, et les galets comblèrent complètement la petite darse. Les falaises qui l’encadraient et constituaient des brise-lames naturels, profondément excavées à leur base, s’effondrèrent en partie. Plus de musoirs protecteurs, plus de mouillage. Le désastre parut irréparable. Les marins dépossédés et découragés émigrèrent en masse à Dieppe, où tout un quartier de la ville, « le Petit Veules », a gardé leur nom.

Le seul port conservé ; de la région est Saint-Valery-en-Caux, médiocre cependant, en décadence marquée depuis deux ou trois siècles et ne paraissant pas devoir jamais se relever. Placé entre Dieppe et le Havre, il n’a pour ainsi dire pas de raison d’être. La vallée de Saint-Valery n’a pas de rivière apparente ; mais le petit fiord encaissé entre deux grands alignemens de falaises crayeuses est un ancien terrain marécageux dans lequel divaguait autrefois un modeste cours d’eau, qui fut jadis, comme bien des sources, l’objet de pratiques religieuses qu’on voulut détruire au VIIe siècle en barrant la rivière et en la forçant à se perdre dans le sous-sol. Le ruisseau reparut au XVe siècle pour disparaître le siècle suivant, phénomène assez fréquent dans le pays de Caux, dont le terrain très perméable est comme un crible qui absorbe très facilement les eaux pluviales. Aujourd’hui, un écoulement assez abondant a lieu au-dessous du sol, et les eaux ont pu être recueillies dans un vaste bassin de retenue, qui permet de faire des chasses régulières dans l’avant-port. Ces chasses sont d’ailleurs absolument indispensables. Le ressac des lames qui battent la falaise à haute mer est si violent que le chenal aurait été sans cela inévitablement barré depuis longtemps, et le port complètement bloqué par un bourrelet de cailloux roulés. Deux jetées de longueur inégale, celle de l’Ouest naturellement en saillie pour arrêter le galet, fixent le chenal. Cette jetée Ouest est maçonnée à son extrémité et est rattachée à la terre par une claire-voie de près de 150 mètres que les vagues traversent pour venir s’étaler et perdre leur force sur de larges perrés inclinés. Celle de l’Est est, au contraire, à claire-voie à son extrémité au large sur 130 mètres de longueur pour permettre le passage des galets et est reliée à la rive par une chaussée en maçonnerie de 220 mètres. La plage est en outre protégée par trois épis. L’entrée du chenal entre les deux jetées est de 90 mètres ; mais la largeur effective de la passe est très réduite par les pouliers et