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premier, y introduisit en 1786 le « trombe, » « trombon » ou trombone, ce point d’appui de l’instrumentation, qui nous vint d’Allemagne comme la clarinette. Beethoven ajouta plus tard à l’orchestre de Mozart el de Haydn le contre-basson, dans la symphonie en ut mineur, et la batterie dans la symphonie avec chœurs. On y voit en outre de nos jours 1 tuba, 2 saxophones et 4 cors anglais, sans parler de la bande de Sax qui se fait entendre sur la scène.

Le premier chef d’orchestre, — il y en a trois, — ne dirige pas seulement l’exécution des ouvrages pour en faire observer la mesure ; il est aussi chargé d’en régler et d’en maintenir les mouvemens et doit compter ici avec le caprice ou les facultés des chanteurs. Ces mouvemens changent avec les années ; leur altération, depuis Duprez, fait l’objet d’un chapitre très amer des Mémoires de Deldevez, l’un des prédécesseurs du chef actuel. L’artiste, en général, admet qu’il doit suivre l’orchestre dans les ensembles, mais prétend que l’orchestre le suive lorsqu’il chante seul, même si sa voix défaillante l’oblige à ralentir contre tout bon sens.

Les défaillances de mémoire sont plus faciles à masquer ; le souffleur est là pour y porter remède. Il fait à l’acteur l’effet d’une rampe dans un escalier ; on ne s’en sert pas toujours, mais, s’il n’y en avait point, on aurait aisément le vertige. Tel comédien se sentit un jour paralysé jusqu’à en oublier sa réplique, qu’il savait à merveille, parce qu’ayant jeté les yeux sur le souffleur, il le vit endormi dans son trou. Un pareil abandon est fort rare, de la part de cet utile auxiliaire. « Souffler n’est pas jouer, » dit le proverbe ; l’œil aux aguets dans sa niche, le souffleur, qui presque toujours a joué lui-même, connaît le tempérament de chaque personnage. Il évite de rien suggérer, de « bourrer » inutilement celui qui fait une pause volontaire, souligne au crayon rouge les passages où son aide est souvent sollicitée, et devine, à la seule inspection du regard, l’artiste qui a besoin de « prendre le mot. »


Vte G. d’AVENEL.