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Richelieu, avait 500 écus de pension, c’est-à-dire 7 500 francs de nos jours, en tenant compte de la valeur relative de l’argent. Villiers et sa femme, qui jouaient avec lui, touchaient ensemble 3 000 francs d’aujourd’hui. A la fin du règne de Louis XIV (1713), le premier ténor, — « haute-contre, » — de l’Opéra recevait par an 6 000 francs actuels (1 500 livres) ; première basse-taille et principale chanteuse ne prétendaient point davantage. Au moment de la Révolution, le premier sujet féminin du chant, à l’Opéra, était payé 18 000 francs de notre monnaie ! (9 000 livres.) Ces chiffres, qui avaient déjà sensiblement grossi jusqu’à 1875, ont encore progressé depuis vingt-cinq ans : la première basse de l’Opéra obtient 90 000 francs, contre 70 000 seulement qu’avait son prédécesseur en 1880 ; le premier ténor a 150 000 francs par an, émolument auquel un chanteur hors de pair, comme Faure, atteignait à peine vers la fin de sa carrière. Une célébrité correspondante arrive présentement à 400 000 francs en six mois, à New-York. Aussi le budget du chant, à l’Académie nationale de musique, s’élève-t-il en moyenne à 1 100 000 francs par an, non compris les chœurs, tandis qu’il n’était que de 750 000 francs il y a vingt ans.

L’Opéra-Comique, dont le genre, moins international, est moins exposé aux surenchères exotiques, n’a pas « subi, » ou « profité, » — suivant qu’on se place au point de vue du directeur ou des artistes — de telles plus-values. Mais, sans sortir de Paris, la concurrence des scènes de comédie ou de drame entre elles a fait monter le taux d’engagement des acteurs notoires à des prix inconnus de leurs devanciers. Talma avait 40 000 francs par an sous le premier Empire ; sous la Restauration, Potier, le comique en renom, touchait 100 francs par jour à la Porte-Saint-Martin, et la troupe du Palais-Royal, au temps où elle comprenait Arnal, Alcide Tonsez, Sanson, Levassor, Grassot, Déjazet et Aline Duval, ne coûtait que 500 francs par soirée. Quand Frédérick-Lemaître jouait Trente ans ou la Vie d’un joueur et Don César de Bazan, il gagnait 18 000 francs et 10 francs de « feux, » et lorsque Taillade créa Bonaparte, au Cirque, ses appointemens annuels étaient de 1 500 francs.

De nos jours, où la tragédienne en vogue est quatre fois mieux traitée que Rachel, la comédienne la plus favorisée recevait de son théâtre en neuf mois, il y a quelques années, 228 500 francs, et les simples divas d’opérette ont un cachet