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voulant donner au peuple de Viterbe une marque de sa bienveillance, il ordonna qu’on ouvrît une enquête. La bulle pontificale qui relate ces détails est parvenue jusqu’à nous ; elle porte la date du 25 novembre 1252. Rose ne prit officiellement son rang dans le calendrier qu’en 1457 ; cependant, contrairement aux usages, aucune cérémonie de canonisation n’eut lieu à cette date. On considéra vraisemblablement que la décision du Saint-Siège se bornait à sanctionner une situation acquise. On sait, en effet, de source certaine, que le peuple de Viterbe rendait, depuis le XIIIe siècle, un culte public à sa compatriote ; l’Eglise avait donc longtemps toléré une irrégularité excusable à ses yeux.

Tout porte à croire que Rose mourut en 1252, probablement au mois de mars. La bulle d’Alexandre IV spécifie qu’elle échappa aux pièges et aux séductions de ce monde, — ce qui donne une triste idée des mœurs du temps, — car Rose n’avait pas accompli sa quinzième année, quand elle rendit son âme à Dieu, et son innocence était considérée comme une exception rare ! Sa douceur éclata, ainsi qu’un miracle, au milieu des hommes farouches qui étaient ses concitoyens. Aussi sa mémoire est-elle restée populaire dans la contrée. Bien que l’église placée sous son invocation soit désolante de banalité, le tombeau de la sainte suffit pour y attirer, en longues processions, les bonnes gens du voisinage, surtout aux jours de liesse. Pour honorer Rose, la municipalité organise chaque année des fêtes qui trouvent leur plus éclatante expression dans le transport de la macchina triomphale.

Comme les vieilles familles, les villes qui se réclament d’un long passé mettent leur amour-propre à tenir un registre exact de tous les faits qui les touchent de près ou de loin. À ce titre, la macchina méritait d’avoir son histoire et même sa chronique. Il y a quelque deux cents ans, la peste sévissait à Viterbe ; dans ses angoisses, le peuple implora le secours de sa protectrice, et il sembla que cette prière fût exaucée, car le fléau diminua aussitôt, puis disparut. On décida, pour perpétuer le souvenir de cet événement, qu’une procession solennelle traverserait une fois l’an les rues de la ville sauvée miraculeusement de la contagion. Pour la première fois, en 1664, autorités, garnison, corporations religieuses, aristocratie, peuple, toute la ville, en un mot, suivit la macchina, sur le faîte de laquelle trônait la sainte. Les dessins qui ont été conservés attestent que la machine était