Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 5.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de jalousie ; soutenus par leurs paroissiens, ils osèrent réclamer la dépouille du pape défunt. Afin de couper court à de regrettables contestations, les cardinaux réunis en conclave ordonnèrent que le cercueil serait provisoirement déposé dans une église neutre. Le chapitre métropolitain était trop pénétré de l’injustice de ses prétentions pour se contenter de cette demi-victoire. Un beau jour, on apprit que le cercueil avait émigré à la cathédrale. Il fallut trois jugemens du nouveau pape pour faire courber la tête aux chanoines et, lorsqu’on voulut exécuter l’arrêt, toutes les dévotes du quartier se mobilisèrent : la menace de l’excommunication eut seule raison de ces forcenées qui prétendaient à tout prix garder leur saint. Cela se passait en 1275. Clément IV dormit en repos l’espace d’environ cinq cents ans. Mais il était écrit que ses cendres seraient en butte à d’éternelles agitations. On entreprit, en 1738, la restauration de l’église de Gradi. Le tombeau fut transporté à San Domenico, où les soldats de Berthier, envoyés pour révolutionner Viterbe, le dégradèrent sans pitié, à ce point qu’en 1840, le comte Septime de la Tour-Maubourg, ambassadeur de Louis-Philippe près le Saint-Siège, entreprit de réparer les injures infligées par des Français au plus illustre des papes français. Nouvel exode en 1874. L’autorité royale avait ordonné que le tombeau serait transféré à San Francesco, transformé en panthéon municipal ; mais il arriva sur ces entrefaites que des mains sacrilèges violèrent la sépulture et profanèrent les cendres du pontife. Ce fut un scandale ; en vue de calmer les esprits, San Francesco fut alors rendu au culte et le tombeau de Clément IV y fut transporté le 29 juillet 1885. Ce monument funéraire aurait dû pourtant, plus qu’aucun autre, inspirer tous les respects. Il était, en effet, l’ouvrage d’un sculpteur dont la réputation avait franchi les limites de la péninsule, Pietro di Oderisio ; il suffit d’ajouter que l’abbaye de Westminster renferme deux tombeaux exécutés sous sa direction. Le mausolée de Clément IV était encore intact quand Papebroch en fit un dessin qui a été conservé ; d’après ce croquis grossier, mais fidèle, on peut se convaincre que la restauration due à l’initiative du comte de la Tour-Maubourg a été conduite non sans scrupule. Tout porte également à croire que la sépulture de Pietro di Vico est du ciseau d’Oderisio.

Adrien V appartient à la famille des papes éphémères : il ne régna que trente-neuf jours ; mais, comme il mourut à Viterbe,