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disputait aux empereurs le sceptre de la domination politique. A la suite du pontife suprême et des cardinaux, une nuée de prélats, de camériers, de fonctionnaires, d’officiers, de clercs, s’abattit sur la nouvelle capitale de la chrétienté. La valeur des loyers doubla ; le prix des denrées éprouva une ascension égale. Devant cette manne providentielle, les esprits se pacifièrent comme par enchantement. Alexandre IV mourut ; son successeur fut élu à Viterbe sans contestations : il prit le nom d’Urbain IV : ce fils d’un savetier de Troyes alla mourir à Pérouse : mais, après lui, Clément IV, un autre Français, ramena la cour à Viterbe. Il y descendit dans un palais tout neuf que les bourgeois avaient édifié pour procurer au chef de l’Eglise une résidence digne de lui. Ce palais confinait à la cathédrale. Il serf aujourd’hui de demeure à l’évêque.

Quand on a franchi le pont d’origine étrusque dont il a été parlé plus haut, on laisse à main droite une vieille maison fleurdelysée, — probablement celle où naquit Paul III, Farnèse, — et on aborde, presque aussitôt, une place silencieuse, empreinte à un haut degré du caractère propre au moyen âge. D’un côté, paraît l’église métropolitaine, flanquée de son campanile toscan, rayé noir et blanc, vieil édifice remanié où le style primitif n’est plus représenté que par la double rangée de colonnes qui accompagnent la nef principale.

Deux papes y furent enterrés. La tombe d’Alexandre IV a disparu ; celle de Jean XXI est moderne. Jean XXI était Portugais ; le duc de Saldanha, ambassadeur du Roi Très Fidèle, entreprit d’élever un monument à sa mémoire : le sépulcre ne se fait remarquer que par un mépris souverain des règles les plus élémentaires de l’esthétique. Le souvenir d’un autre pape s’attache à la cathédrale. C’est, en effet, sous ses voûtes que Clément IV fulmina l’excommunication contre Conradin, au moment où ce jeune prince, transgressant les avis d’une mère inspirée, descendit en Italie pour disputer à Charles d’Anjou l’empire si longtemps détenu par les Hohenstaufen, ses ancêtres. Clément IV, le plus grand des papes que la France ait donnés à l’Eglise, siégeait sur un trône élevé, une torche allumée dans la main. Autour de lui se pressaient les cardinaux, tous les prélats et les clercs de la Curie. On donna lecture de la bulle latine dirigée contre Conradin et ses adhérens. Tout à coup, le pape se dressa sur ses pieds ; jetant par terre la torche qu’il tenait à la main, il s’écria