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jusqu’à nous dans son intégrité. Pour la restaurer, Cavalcaselle s’est contenté de débarrasser le sanctuaire des oripeaux que la dévotion moderne y avait entassés. Telle qu’une statue antique, San Giovanni ne captive aujourd’hui le regard que par la pureté de ses lignes, l’équilibre de ses proportions. Pas de vaines inventions, aucun de ces ornemens qui, tout en s’harmonisant avec l’édifice, détournent l’attention des fidèles de la gravité des cérémonies. Nul débris de l’antiquité, comme dans les églises de Rome. Les colonnes qui séparent les trois nefs ne proviennent pas de temples païens. Les autels placés en avant des absides ne se font remarquer que par leur austérité. C’est bien, au moral, l’église monastique, cistercienne, l’église selon saint Bernard, réduite à ses élémens essentiels. L’art n’intervient que pour ennoblir les formes. San Giovanni convenait admirablement à un peuple qui restait foncièrement religieux, tout en transgressant les préceptes les plus formels de l’Evangile. Par les fenêtres étroites et sans vitraux, descend un jour clair, mais rare, propice à la méditation. Apparemment, l’imagination de ces foules que le doute n’effleurait même pas n’avait pas besoin d’accessoires plastiques, encore moins pittoresques, pour évoquer la vision intérieure. Les mystères de la religion, les péripéties poignantes de la passion, la légende des saints et des confesseurs, les peines réservées aux damnés, présentes à toutes les âmes, suffisaient pour remplir ces voûtes nues de personnages effrayans ou adorables, d’images grandioses.

Sur la place principale de Viterbe, se faisant vis-à-vis, s’élèvent deux édifices qui rappellent l’époque où la ville, à peu près indépendante, atteignit l’apogée de sa puissance. Ils ont été tous deux édifiés à la même époque, en 1264. L’un servait de résidence au capitaine du peuple ; l’autre, comme de raison le plus imposant, était la maison de la commune. Au XIIIe siècle, on rencontrait, dans chaque cité italienne, un palais municipal, symbole de la liberté, comme on compte un hôtel de ville dans chacune des bonnes villes des Flandres. Le palais communal de Viterbe a été restauré sous le pontificat de Sixte IV ; ses créneaux guelfes ont disparu ; les fenêtres ogivales se sont transformées en croisées classiques. En dépit de ces altérations, le monument a gardé une allure noble et fière. De la place, par le portone ouvert, on aperçoit la campagne qui verdit sous le ciel bleu. J’ai toujours éprouvé un ravissement en franchissant la