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ESSAIS ET NOTICES


Grec d’origine, Anglais de naissance, et Français par choix ou par sympathie littéraire, — cette réunion de conditions assez rare était-elle donc nécessaire pour que M. Joannidès nous donnât ce Dictionnaire général des pièces et des auteurs représentés de 1680 à 1900 sur la scène de la Comédie-Française ?[1] Il faut bien le croire, puisque personne avant lui ne s’en était avisé ! Et il faut le remercier d’en avoir eu l’idée, puisque enfin peu de « dictionnaires » ou de « répertoires » sont de nature à intéresser plus utilement la critique et l’histoire littéraire. Des noms d’auteurs, des titres de pièces, des dates, c’est, à la vérité, tout ce que ce livre contient, et je ne le recommande à personne comme un livre de lecture. Mais l’historien du théâtre ne pourra se dispenser de le consulter, et l’histoire de notre théâtre elle-même en sera tôt ou tard, mais sûrement, renouvelée, si je crois pouvoir dire que nous ne la connaissons guère jusqu’ici que dans ses grandes lignes, et si, précisément, ce qui nous manquait pour la mieux connaître, c’étaient les titres et les noms, les chiffres et les dates que nous donne M. Joannidès, ou, en deux mots, un peu de statistique et de chronologie. La statistique et la chronologie contiennent plus d’enseignemens qu’on ne pense, et je sais bien qu’à l’ordinaire les grands historiens n’en font que peu de cas, comme aussi les grands pédagogues, mais ce sont les grands pédagogues et les grands historiens qui ont tort. « Il n’y a que l’approbation de la postérité qui puisse établir le vrai mérite des ouvrages, » a dit quelque part Boileau : cette approbation ne s’établit, elle ne se prouve, en quelque sorte, que par le moyen de la statistique ou de la chronologie, et le Dictionnaire général de M. Joannidès en fournit un bien curieux exemple.

Nous avons dans notre histoire littéraire trois grands écrivains de théâtre, Corneille, Molière et Racine ; n’est-il pas extrêmement

  1. Un vol. in-8, Plon, éditeur.