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assurément, serait grave et amènerait beaucoup de souffrances. L’Empereur cherchait donc avec un intérêt passionné des débouchés nouveaux. De là, la hardiesse et la ténacité avec lesquelles il s’est engagé dans les affaires chinoises. Comprenant qu’il y avait dans l’immensité du continent jaune des marchés dont la capacité d’absorption ne serait pas de sitôt épuisée, il a voulu prendre pied sur ce continent et il y a réussi. C’est encore à cette préoccupation, si naturelle de sa part, qu’il faut attribuer ses grands projets maritimes. Tout cela se tient, tout cela est logique, on y sent l’influence d’une pensée très intelligente, consciente du but qu’elle poursuit et constante dans son effort. Telle a été, du moins jusqu’à ce jour, l’impression générale : pour la première fois, en présence des tarifs projetés, on se prend à hésiter et à douter. N’y a-t-il pas une contradiction évidente entre la politique générale du gouvernement impérial et la politique douanière qu’il inaugure ? Si l’Allemagne ferme son territoire aux produits étrangers, il est à croire qu’on usera de réciprocité à son égard ; et, sans examiner pour le moment les conséquences politiques de la guerre de tarifs qui se prépare, les conséquences économiques en seront sans nul doute pour l’industrie allemande ce ralentissement, ou même cet arrêt dans l’écoulement de ses produits que nous avons présenté comme si dangereux pour elle. Ce n’est plus là de la politique mondiale, mais bien de la politique locale, strictement, étroitement locale. Et dès lors il faut se demander si l’industrie allemande, au jour où nous sommes, est à même de subir l’épreuve qui va lui être imposée.

La question est déjà résolue, non pas par des argumens que l’on peut toujours contester ou réfuter, mais par des faits. L’Allemagne industrielle traverse aujourd’hui même une crise très pénible, et, pour peu que la politique nouvelle s’établisse et se maintienne, on doit s’attendre non pas à une amélioration, mais à une aggravation de cette crise. D’où vient-elle, en effet ? Il ne peut guère y avoir à ce sujet deux opinions. Si tout le monde a été frappé du développement de l’industrie allemande, elle-même en a été éblouie. Le grand et légitime succès qu’elle a eu à l’Exposition universelle de l’année dernière a été, en quelque sorte, son apogée. L’Allemagne, comme on l’a fait remarquer, a profité de ce qu’elle est venue tard, et à l’heure propice, dans le domaine de la grande industrie. Elle n’a pas eu à faire les écoles que d’autres avaient faites pour elle. Elle a pu s’adapter et s’assimiler, sans hésitation ni tâtonnemens, les dernières découvertes de la science et se procurer un outillage tout neuf, atteignant les derniers degrés de la perfection comme jusqu’à ce jour. Si l’on ajoute que l’Allemand