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traités de commerce avaient pu alors être conclus avec plusieurs puissances. Ce sont précisément ces traités qui sont maintenant en cause : il s’agit de savoir si les tarifs nouveaux ou futurs, — à supposer qu’ils soient votés, — permettront de les renouveler. C’est une question redoutable : on comprend fort bien qu’elle cause une grande anxiété en Allemagne. Il n’est pas douteux, en effet, que la politique des traités de commerce y avait produit les plus satisfaisans résultats. En huit années, de 1892 à 1900, les exportations allemandes avaient augmenté de plus de 30 p. 100. Si l’on prend une période de dix années, de 1890 à 1900, le commerce extérieur, qui était de 7 480 millions de marks au point de départ, s’est élevé à près de 10 290 millions au point d’arrivée. L’épreuve paraissait donc concluante : il était difficile de soutenir qu’elle avait mal tourné. Le régime économique de l’Allemagne lui avait été salutaire. C’est à lui, sans nul doute, qu’est dû en grande partie le prodigieux essor économique du pays, dans un laps de temps si court que la relation de l’effet à la cause ne saurait être contestée. Tout le monde a admiré cet essor ; quelques-uns même s’en sont effrayés. Il était impossible de visiter l’Allemagne sans être frappé d’étonnement à la vue de la transformation et du développement de l’outillage industriel dans les provinces de l’Ouest. Cela tenait du miracle. On voyait partout des usines nouvelles s’ouvrir, des hauts-fourneaux s’élever, les gares de chemins de fer s’élargir, les ports devenir insuffisans pour les navires qu’ils devaient contenir et les, marchandises qui y transitaient. Jamais encore on n’avait assisté à une croissance aussi rapide, à une poussée qui donnât une aussi grande impression de force. Et ce n’était là qu’un côté des choses. Si l’on allait au dehors, non seulement en Europe, mais au-delà des mers les plus lointaines, on trouvait partout le commerce allemand en rivalité souvent heureuse avec le commerce britannique. On se demandait où s’arrêterait cette puissance d’expansion, qui opérait avec autant de méthode et de patience que d’énergie et d’activité : et l’opinion universelle, soit de ceux qui admiraient, soit de ceux qui commençaient à craindre l’invasion des marchés du monde par les marchandises allemandes, était que le régime économique du pays n’avait pas été étranger à la fécondité de son effort.

Aussi n’était-on pas surpris d’entendre l’empereur Guillaume parler de politique « mondiale. » Il lui fallait effectivement le monde entier, et ce n’était pas trop des deux hémisphères pour l’écoulement des produits de son industrie. Si cet écoulement venait à se ralentir ou à s’arrêter, il était à prévoir que la crise, sans être mortelle