Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/923

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus molles que le tronc d’un jeune bananier. Et elle se laissa aller sur les genoux, criant d’angoisse, sans s’apercevoir que le prince Bidji était là, devant elle, avec ses fidèles compagnons les callers.

A grand’peine put-elle raconter les événemens prodigieux qui venaient de s’accomplir, puis elle tomba en faiblesse. Poumi revint cependant à la vie, mais ce fut pour renoncer aux pompes et aux tentations du monde. Repoussant les offres de Soupraja Bidji, qui, rétabli sur le trône de son père, voulait l’élever au rang de première concubine, elle se retira, — au grand scandale de sa famille qui comptait sur elle pour acquérir de l’influence, — dans un couvent réputé. La bayadère Poumi étonna, par la suite, le monde par la pratique de ses vertus, plus peut-être que jadis elle ne l’avait ébloui par son luxe et sa corruption. Elle éleva un monument en ce lieu même où avait disparu le mystérieux solitaire. Et une légende s’établit, disant que le sanniassy avait été suscité par Vishnou pour délivrer le pays d’Arkat du tyran Bahadour Chatoun. Mais, comme rien n’est respecté par les mauvais esprits et les incrédules, une autre version s’établit, donnant à croire que le fakir n’avait abandonné sa compagne que pour arriver le premier auprès de Bidji et recevoir une plus riche récompense ; car il redoutait beaucoup de la beauté de Poumi, qui, en toutes circonstances, devait être d’un plus grand poids que sa sagesse, aux regards d’un jeune homme tel que Soupraja Bidji.


III. — LES ROSIERS DE LA BÉGOM

Depuis quatre mois déjà, les cavaliers de Nazzar-Abbas étaient descendus dans le pays de Marwar, et ils tenaient la citadelle de Méroum étroitement assiégée. Car c’était là que le radjah Palajesha renfermait ses épouses et ses trésors, et la prise de cette place permettrait au vainqueur d’exterminer les derniers descendans de la dynastie Chandat, et de se faire sacrer empereur, comme il convenait, par les imans.

Du liant des murailles, les rhadjpoutes impassibles regardaient la plaine uniformément rouge et où l’on ne voyait plus un arbre. Car les Musulmans, autant pour satisfaire aux besoins de chaque jour que pour désespérer les Hindous, avaient abattu tous les shishams, sans compter les asanas, et scié, avec de