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Au moyen âge, le petit bourg maritime portait le nom d'Oistertat, qui est devenu successivement, Strutat, Estrutal, Étretat. Le nom primitif semble indiquer que les récifs qui bordent la côte étaient plus ou moins recouverts de dépôts d’huîtres ; et on sait que les peuples primitifs faisaient du savoureux coquillage une abondante consommation. L’huître a presque complètement disparu aujourd’hui de ces parages ; et la baie où elle pouvait se développer à l’abri des coups de mer est, comme nous l’avons dit plus haut, à peu près comblée. Mais cette baie a été longtemps considérée comme pouvant devenir, avec quelques transformations, un établissement maritime d’une certaine importance. Avant d’avoir arrêté définitivement son choix sur le port du Havre, l’amiral Bonnivet avait, paraît-il, jeté les yeux sur Etretat. Les commissaires du cardinal de Richelieu, qui firent cette fameuse reconnaissance des côtes de l’Océan et la Manche en vue de trouver le meilleur emplacement « pour y bastir et construire un port afin de retirer les vaisseaux du roy[1], » furent tout d’abord séduits par la petite anse naturelle, aujourd’hui complètement obstruée, dont l’entrée s’ouvrait alors entre les deux promontoires en saillie qui font maintenant l’admiration de tous les artistes. Mais la violence des coups de mer leur parut bientôt être un obstacle insurmontable.

L’ingénieur Lamblardie fut plus hardi. Il remarqua fort judicieusement. qu’une profondeur de plus de 6 mètres d’eau existait à mer basse à 40 mètres à peine du rivage, et que cette profondeur atteignait près de 12 mètres à deux encablures un peu plus loin ; que la traînée de galets arrachés aux falaises ne commençait qu’au cap d’Antifer, à moins de 4 kilomètres à l’Est d’Etretat ; que le volume de tous les débris charriés par le courant littoral et contre lesquels tous les ports de la côte ont à se défendre était naturellement en raison inverse du chemin qu’ils ont parcouru, bien moindre par conséquent à Etretat qu’à Fécamp, à Dieppe et surtout dans la baie de Somme, qui est le grand réceptacle où ils finissent par se déposer ; et qu’il suffisait dès lors de mettre artificiellement la petite anse à l’abri des gros coups de mer du large. En conséquence, il n’hésita pas, en 1789, à proposer l’établissement tout d’une pièce d’un avant-port de près de 40 hectares, protégé par deux grands môles enracinés

  1. Bibl. Nat. Mss., petit in-folio, S.-E., 87.