dressait encore, au commencement du XIIe siècle, la pointe de son clocher à l’endroit même où se trouve aujourd’hui l'écueil sous-marin désigné sous le nom de « banc de l’Éclat » et qui peut être considéré comme la limite extérieure de la petite rade du Havre. Ce banc, qui faisait autrefois partie de la côte, avait probablement, comme toute la falaise normande, une hauteur de près de 100 mètres ; il est aujourd’hui noyé à plus de 2 kilomètres au large, à près de 8 mètres de profondeur. La falaise a donc reculé en ce point de 2m, 60 en moyenne par an.
On ne saurait prendre ce fait particulier comme la mesure exacte du taux de reculement. Le cap de la Hève est très vraisemblablement le point de la côte qui a supporté les plus rudes assauts. Toutefois on peut, sans crainte d’erreur trop grande, admettre, avec l’ingénieur Lamblardie, que la corrosion annuelle a été en moyenne depuis plusieurs siècles d’un « pied de roi, » sur tout le développement de la falaise entre l’embouchure de la Seine et celle de la Somme[1]. C’est à peu près une trentaine de mètres par siècle. La mer a donc dévoré, depuis deux mille ans, une bande de près de 600 mètres de largeur sur toute la côte normande, correspondant à une surface de près de 9 000 hectares ; et, si l’on considère que la hauteur de la falaise varie entre 50 et 100 mètres, soit en moyenne 70 mètres, sur un développement de 140 kilomètres, on peut évaluer à près de 6 milliards de mètres cubes le volume qui a été emporté par les vagues seulement depuis l’origine de notre ère. Cela fait en moyenne plus de 3 millions de mètres cubes par an.
Or, on compte à peu près une soixantaine de couches de silex interposées dans le massif crayeux de la falaise, formant une série de tranches parallèles semblables aux feuilles d’un livre et dont l’épaisseur totale serait environ de 5 mètres. Ces bandes de cailloux, d’autre part, ne sont pas aussi compactes que la craie ; et les vides peuvent être évalués sensiblement aux 3/5 de leur masse totale. D’après tous ces élémens, il est facile de voir que les 3 millions de mètres cubes arrachés annuellement à la falaise normande peuvent contenir de 100 à 150 000 mètres cubes de silex. Tout le reste est de la marne et de la craie, qui se brisent et se dissolvent rapidement, formant une pâte onctueuse qui donne aux eaux de cette partie de la Manche, dans le
- ↑ Lamblardie, Mémoire sur les côtes de la Haute-Normandie.