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sous l’invocation de sainte Adresse Une charte de 1295 mentionne qu’elle était « chue en mer ; » et, depuis le XVIIe siècle, église et village ont été engloutis.

La puissance de corrosion a donc été beaucoup plus forte au cap de la Hève que partout ailleurs ; et l’on peut estimer qu’il y a trois ou quatre siècles, le taux annuel du reculement de la falaise y était de 2 mètres environ, soit sept et huit fois plus que la moyenne de nos jours. La petite rade du Havre, dans laquelle la sonde trouve sur beaucoup de points des profondeurs de 6 à 8 mètres, était donc autrefois un plateau assez élevé au-dessus des eaux et faisait partie du continent. L’éternelle traînée de galets roulés par le courant, et dont les mille froissemens, les heurts et les oscillations continues sous l’action incessante du flot et du jusant produisent un bruit strident et caractéristique qui perce comme une note aiguë à travers le sourd mugissement des vagues, vient s’étaler comme une longue écharpe sous-marine dans la rade du Havre et a fini par entrer dans la large bouche de la Seine, dessinant, au-devant d’Harfleur, un seuil recourbé en forme de bec, auquel on a donné le nom anglo-saxon de Hoc (Hoc, Hook, crochet). C'est la pointe du Hoc.

En arrière de cette pointe se trouvaient autrefois les mouillages de Grande-Heure et de Petite-Heure ou de Notre-Dame-des-Neiges. C’était une sorte d’avant-port d’Harfleur, dans lequel venait déboucher la vieille Lézarde. Au commencement du XIVe siècle, il s’était même formé, à l’extrémité de la digue du Hoc un établissement que l’on désignait sous le nom de Port-au-Hoc. On y voyait, il y a quelque temps encore, d’anciennes fortifications en maçonnerie qui indiquaient l’entrée de la Lézarde. On sait que les Anglais s’en emparèrent en 1415 ; mais la situation était déjà très compromise par les atterrissemens que favorisait l’abri de la pointe de galets qui avançait toujours. Harfleur et Port-au-Hoc étaient donc menacés dès l’année 1500 environ, à la veille de la création du port du Havre. L’ancienne baie s’est transformée d’abord en lagune, puis s’est complètement atterrie ; et la Lézarde se fraye aujourd’hui un lit tortueux à travers les alluvions. La plaine de l’Heure n’est, en somme que le principal dépôt des débris des falaises qui s’élevaient autrefois sur remplacement où se trouve aujourd’hui la petite rade du Havre et que les courans et le flot ont à peu près refoulés dans la grande bouche de la Seine où ils ont trouvé un abri définitif.