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chantiers de construction, en outre, conservent toujours une grande activité. Grâce à tous ces élémens, le mouvement commercial atteint et dépasse même quelquefois le chiffre considérable de 350 000 tonnes, et il paraît devoir longtemps se maintenir.

II

Tout change et se transforme en un très petit nombre de siècles à l’embouchure d’un grand fleuve. L’estuaire reçoit tous les jours un volume très appréciable de vases, de terres et de débris organiques provenant des érosions de la vallée principale, des vallées latérales et des moindres cours d’eau affluens qui les alimentent. Une partie de ces matières meubles, la plus grande heureusement dans les mers à marées, est entraînée par les mouvemens alternatifs du flot et du jusant, se perd dans les abîmes profonds de l’Océan, est dispersée par les courans des tempêtes ; mais il en reste toujours à peu près sur place une notable quantité, qui s’augmente tous les jours, exhausse le fond du lit et travaille sans discontinuité à construire des assises sous-marines qui doivent finir un jour ou l’autre par atteindre et même dépasser le niveau des basses eaux.

« Tous les fleuves vont à la mer, et la mer ne déborde pas ; et ils reviennent aux lieux d’où ils sont sortis pour couler de nouveau, » a dit l’Écriture dans un magnifique langage[1] ; ou aurait pu ajouter avec autant de raison que toutes les terres aussi vont à la mer, et que la mer qui les reçoit ne les rend plus, comme elle le fait de l’eau des fleuves, et qu’elle doit inévitablement se combler. Ce résultat sera sans doute l’œuvre d’un temps infini ; mais il s’accomplira un jour. Toutefois, sans sortir des limites relativement restreintes de notre époque historique et des quelques dizaines de siècles qui la précèdent ou qui la suivront et qui constituent peut-être notre vie et notre avenir sur la terre, il est certain qu’on peut apprécier déjà, dans toutes les baies au fond desquelles débouche une grande vallée, les effets de cette loi immuable de l’exhaussement et de l’atterrissement à laquelle les efforts et les travaux de l’homme ne peuvent apporter que des palliatifs temporaires. D’une manière générale, un fleuve remblaie fatalement son embouchure, et la profondeur de son estuaire tend toujours à diminuer.

  1. Ecclésiaste, I, 7.