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fréquentée et appréciée dès les premiers temps de la navigation. On sait que les marins de Honfleur ont de très bonne heure traversé l’Atlantique à la recherche de terres inconnues ; mais cela nous reporte déjà à la fin du moyen âge, presque au commencement des temps modernes.

Alors que le Havre n’existait pas encore et qu’un marais pestilentiel occupait la place de la grande cité commerciale et maritime qui se développe tous les jours sous nos yeux, les marines de Dieppe et de Honfleur étaient en plein épanouissement, et on sait la part glorieuse qu’elles prirent dans toutes les grandes entreprises navales de la fin du XVe et du XVIe siècle. Ce sont les Honfleurois qui ont exploré les premiers le golfe de Saint-Laurent, fondé Québec, colonisé Terre-Neuve et le Canada ; et l’anse de Paraïbo au Brésil conserve en leur souvenir le nom de « Port des Français. » Ils ont doublé de très bonne heure le cap de Bonne-Espérance, connu la route de Madagascar, des îles de la Sonde, des Philippines, et très probablement abordé à la Nouvelle-Hollande.

Il y a trois siècles à peine, les marins de Honfleur pouvaient certainement compter parmi les plus entreprenans et les plus hardis du monde. Malgré le coup que leur porta la Compagnie des Indes en leur enlevant le commerce des produits exotiques, et bien qu’ayant perdu presque toutes leurs relations directes avec l’Orient, ils conservèrent pendant longtemps le contact avec l’Amérique du Nord et trouvèrent surtout dans l’exercice de la grande pêche un aliment à leur puissante activité et une source de grands profits. Toutes ces expéditions maritimes exigeaient, avec le concours d’un personnel d’élite et très entraîné, la création et le renouvellement d’un nombreux matériel. Les forêts qui couronnent la côte de Grâce et la côte Vassale fournissaient heureusement en abondance et continuent à fournir tous les bois que demande la marine ; et, malgré sa décadence actuelle, Honfleur est resté encore un chantier assez actif de constructions navales.

Au temps de sa plus grande prospérité, Honfleur ne possédait cependant pas le moindre bassin à flot ; et le port était réduit à un havre d’échouage de 120 mètres de longueur et de 50 mètres de largeur, communiquant avec la mer par un pertuis large au plus d’une vingtaine de mètres. L’entrée du chenal était défendue par deux tours, comme autrefois celle du Havre par la tour François Ier et la tour du Vidame, comme on le voit