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sont-elles pas assimilables à nos fils télégraphiques, lesquels ont la faculté de transmettre les dépêches qu’on leur confie, quelle qu’en soit la teneur et quel que soit l’idiome adopté pour leur rédaction ? Question à laquelle personne n’aura l’idée de dénier une haute signification doctrinale, quand on saura qu’elle se rattache directement à la grande théorie de la spécificité des nerfs.

Dans quel sens il convient de la trancher, l’exposé qui va suivre, — écho affaibli de longues et savantes controverses, — nous l’apprendra peut-être.


Sans doute tout ce qui n’est pas lumière reste non avenu pour notre rétine. Lors même que, par l’intermédiaire des liquides de l’œil, on exerce sur cette membrane, à travers le voile des paupières, une pression un peu vive, celle-ci ne développe aucune sensation tactile ; elle illumine seulement de phosphènes fugitifs le cercle obscur de la vision. Réfractaire à toute autre excitation, l’ouïe, de son côté, ne saisit jamais que les ondulations sonores. Seules aussi, les particules odorantes ou sapides sont capables d’actionner les nerfs de l’olfaction et du goût.

Ce même exclusivisme, mis en évidence il y a trois quarts de siècle par le fameux physiologiste Jean Müller, on ne saurait non plus le dénier aux appareils sensitifs répandus en si grand nombre dans les papilles de la peau.

Mais ici le champ qu’il embrasse est beaucoup plus vaste, et, pour répondre à la variété des sensations perçues par l’enveloppe cutanée, il était nécessaire que la nature conférât à ses élémens nerveux des attributions complexes. Non contens en effet d’édifier notre centre mental sur la résistance des corps, non contens de nous renseigner sur leur forme, leur volume et leur poids, les nerfs de la peau assument encore une autre mission. Thermomètres vivans, ils se chargent de noter avec une surprenante exactitude la température de l’atmosphère ambiante et celle des objets qui nous environnent. A chacune de ces fonctions se trouvent préposés, on le sait aujourd’hui, des filets nerveux d’ordre différent.

Une telle dilection ne suffisait point encore. En ce qui regarde les élémens thermiques, les très délicates recherches de Goldscheider ont révélé ce fait imprévu, que les nerfs destinés à la perception des basses températures ne sont pas ceux qui