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de révolution, et à accompagner le roi à la chasse ou à la promenade, tant que la cour avait été à Paris. Mademoiselle avait refusé une fois de plus Charles II d’Angleterre, roi sans royaume, roi cependant et très résolu à rentrer dans ses Etats. Elle était recherchée, écoutée, populaire, portée au trône par les vœux des mazarinades, à défaut de mieux ; mais, et c’était son chagrin, elle n’avait fait aucune action d’éclat, rien qui la rangeât parmi les « héroïnes, » à côté de la princesse de Condé et de Mme de Longueville. L’année 1652 allait enfin lui apporter sa part d’aventures et de « gloire. »

Condé avait repris la campagne et appelé les Espagnols, après une tentative de réconciliation qui avait échoué par sa faute ; ses exigences étaient trop élevées. Il était parti avec la résolution de briser cette fois, et à son profit, le pouvoir absolu fondé par Richelieu. Gaston le soutenait. Retz, au contraire, et une partie des Frondeurs, tendaient à se rapprocher de la reine et consentaient même au retour de Mazarin, tandis que le Parlement n’était ni pour Condé ni pour Mazarin. Celui-ci avait acheté Turenne à force de promesses, et emmené la cour dans l’Ouest, combattre les rebelles. Sur ces entrefaites, la ville d’Orléans, de l’apanage de Monsieur, se vit menacée par les troupes des deux partis, et appela son prince à son secours, ou Mademoiselle à défaut de son père. Celle-ci vint voir Monsieur : « Je le trouvai fort inquiet ; il se plaignit à moi de la persécution que les amis de M. le Prince lui faisaient d’aller à Orléans ; que, s’il abandonnait Paris, tout était perdu, et qu’il n’irait point. » Le soir du même jour, comme Mademoiselle était à souper aux Tuileries, un officier s’approcha d’elle et lui dit à voix basse : « Nous sommes trop heureux ; c’est vous qui venez à Orléans. »

Sa joie fut sans pareille. Elle passa une partie de la nuit en préparatifs, alla le matin appeler les bénédictions de Dieu sur son expédition, et parut à midi chez son père en ai pareil de campagne, suivie d’un état-major emplumé où s’apercevaient plusieurs jolies femmes. L’appartement était bondé de curieux, les uns applaudissant, les autres haussant les épaules. Gaston avait trop d’esprit pour ne pas sentir le ridicule de « cette chevalerie. » Il commençait, d’autre part, à être un peu ému d’avoir déchaîné cette impétueuse personne, qui allait inventer on ne savait quoi, sans se soucier de le compromettre. Dans son inquiétude, il recommandait tout haut d’obéir à sa fille « comme si c’était