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La noblesse en était tombée là parce qu’elle était ruinée[1] et qu’il était entré dans les desseins du règne précédent de la rendre dépendante des gratifications royales. C’était une excuse insuffisante, mais une excuse. Richelieu avait dressé les grands à mendier : ils mendiaient à main armée.

A l’autre bout de l’échelle sociale, la racaille avait pris le haut du pavé, déshonorant la cause populaire et donnant les Parisiens en risée au monde. Les soldats de la Fronde faisaient triste figure devant les troupes régulières qui bloquaient la capitale sous les ordres de Condé. Après s’être sauvés, ils criaient à la trahison. Leur folie de dénonciation avait gagné toute la ville, et le Parlement lui-même était devenu suspect. Au travers de tous ces agités passait et repassait la figure active du coadjuteur, tantôt vêtu en cavalier et galopant à l’ennemi, tantôt en habits sacerdotaux et haranguant la foule, tantôt courant conspirer, de nuit et déguisé, et trouvant encore le temps de prêcher et de ne jamais manquer une réunion de jolies femmes. Cependant le prix du pain avait triplé, la révolution gagnait la province, et les généraux avaient signé un traité d’alliance avec les Espagnols. C’était payer trop cher les violons de Mme de Longueville. Au Parlement, les grands magistrats qui en étaient l’honneur se révoltèrent contre les seigneurs et contre la populace, la pression d’en haut et celle d’en bas. Le sentiment national les souleva au-dessus des rancunes et de la crainte, et ils prirent sur eux de conclure la paix de Rueil (11 mars 1649). Les généraux, déçus et irrités, commencèrent par demander « toute la France[2] » pour accepter le traité. Après de honteux marchandages, ayant tous tiré pied ou aile de la monarchie malheureuse, ils consentirent à poser les armes, et la paix fut proclamée à son de trompe. Dès le lendemain, 3 avril, Mademoiselle demandait à son père et à la reine la permission de venir à Paris ; elle voulait voir où elle en était avec les Parisiens, et comment on la recevrait. Elle partit le 8, à travers les ruines de la banlieue. Les soldats des deux partis avaient brûlé les maisons, coupé les arbres, massacré ou mis en fuite les habitans. En plein mois d’avril, le mois des vergers en fleurs, les environs de Paris, à six lieues à la ronde, restaient défeuillés.

  1. Sur les causes compliquées de sa ruine, Cf. Richelieu et la monarchie absolue, par le vicomte G. d’Avenel.
  2. Motteville.