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l’administration anglaise de l’île est parvenue, en quelques années, à extirper entièrement le fléau.

Les Américains ont imaginé d’autres appareils, — mobiles, cette fois, — des chariots, des herses diverses, pour rabattre les insectes dans des fosses : des vans montés sur roues pour les attirer dans un laminoir qui les écrase : des sacs à large entonnoir que l’on traîne sur le sol pour les recueillir. Un cultivateur français, M. Giot, a préconisé l’emploi de poulaillers roulans. Ces procédés se sont montrés plus ou moins efficaces, selon les circonstances.


Les bandes d’acridiens voyagent ainsi, tout le jour, à la surface du sol, dévorant la végétation qu’ils rencontrent. Ils s’arrêtent le soir, pour reprendre leur course, au matin, dès que les rayons du soleil ont commencé à réchauffer la terre. Leur voracité est extrême. Leur vie n’est qu’un long repas, interrompu seulement, et pour la durée d’une heure seulement, par chacune des mues, au nombre de cinq, qu’ils subissent au cours de leur existence. Ils recherchent surtout les parties vertes et tendres des plantes. Leur nourriture de prédilection est la tige et l’épi jeune des graminées, blé, seigle, orge, avoine. A défaut de ce mets favori, ils s’accommodent de toutes les plantes cultivées, dont leurs mandibules puissantes hachent et débitent, en un rien de temps, toutes les parties, feuilles, tiges et bourgeons. Ils respectent les végétaux résineux ou aromatiques, tels que les lauriers-roses et les lentisques, tant que la faim ne les talonne pas. Mais, lorsqu’ils n’ont pas autre chose, ils se résignent à ces alimens décriés. Dans le cas d’extrême disette, on les voit attaquer et dévorer les écorces, la toile à voile, le papier ; et, quoique herbivores. Ils ne répugnent pas, alors, à se nourrir des cadavres de leurs compagnons. Vers la fin de cet exode, et après avoir accompli sa cinquième et dernière mue, l’acridien est arrivé à l’état parfait. Ses ailes, qui étaient apparues dès le second stade et qui s’étaient perfectionnées successivement, sont alors arrivées à leur développement complet. Il s’essaye pendant quatre à cinq jours à voleter. Le sixième jour enfin, il prend l’essor et parcourt, sur l’aile des vents, de vastes espaces.

Les acridiens volent en troupes pressées, profondes, innombrables. Ces vols immenses ressemblent de loin à des nuages qui obscurcissent le ciel. Au point où ils s’abattent comme une grêle vivante, ils rompent les branches des arbres et couchent les récoltes. Il n’est pas rare de voir un vol qui couvre la moitié d’un hectare. Quelquefois des vols successifs, tombant au même point, forment une accumulation énorme