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bouches du Danube, répandaient leurs essaims sur toute la Russie méridionale, sur les provinces danubiennes, la Hongrie, et jusqu’à l’Allemagne.

Le mémoire des savans américains a été l’origine des remarquables travaux de M. Krassilstchik, professeur à l’Université d’Odessa, et de ses collaborateurs, MM. Metschnikoff, Skaczewski et Koltchanoff.

Enfin, la France elle-même se mit en mouvement. La grande épidémie de 1867, qui avait ruiné les récoltes algériennes et déchaîné la famine, n’avait déterminé aucune recherche véritablement digne d’intérêt. Le désastre de 1874, renouvelé encore en 1884, nous obligea à sortir de notre torpeur. Il fallut envisager la question d’une manière scientifique. Un très habile entomologiste, M. Künckel d’Herculais, entreprit l’étude approfondie des invasions algériennes, à la fois au point de vue scientifique et au point de vue pratique. Plus tard, sur la demande du gouvernement argentin, il a étendu le cercle de ses observations jusqu’aux contrées les plus reculées de l’Amérique du Sud. Ses travaux n’ont pas moins d’importance pour l’histoire naturelle que pour l’agriculture. Ils font loi sur la matière.

C’est avec les notions ainsi acquises qu’il est utile d’envisager maintenant l’invasion qui se produit dans nos départemens du Sud-Ouest[1].


I

Il faut remarquer tout d’abord que les invasions de sauterelles ne sont pas dues à des sauterelles véritables ou locustes. Les insectes envahisseurs sont des acridiens ou criquets. Ce sont deux familles distinctes. Sans doute, les uns et les autres sont des orthoptères sauteurs, et comme tels ont une forme générale très analogue. Cette forme est familière à chacun de nous depuis les jours de notre enfance où nous faisions de la sauterelle verte le compagnon et quelquefois le souffre-douleur de nos jeux. Des ailes supérieures, élytres, formées d’une membrane coriace, ordinairement verte, recouvrent une seconde paire d’ailes ressemblant à un tissu de gaze. Celles-ci ne se développent que pendant le vol ; au repos, elles sont repliées et plus ou moins complètement cachées par les élytres, sous lesquelles elles se plissent

  1. Le foyer principal est dans le canton de Rouillac. Les cantons de Villefagnan, Aigre ; les communes de Mayha, Puy-du-Lac, Tonnay-Charente et Rochefort, sont particulièrement éprouvés. Il y a un autre foyer en Camargue, au Mas-Saint-Andéol, à Merle et à Tamaris.