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c’en est un et que la socialisation n’irait pas vite dans un pays où tout le monde serait comme cela. Or, quoique le tempérament général des Français soit tout autre, il y a encore un certain nombre de Français qui sont de ce tempérament-là. Le frein existe.

Il y en a un plus fort, c’est la nature des choses. Liberté, sûreté, propriété, résistance à l’oppression sont des droits solidaires et d’une telle solidarité que, tant qu’un seul restera debout, on n’en aura pas fini avec les droits de l’homme. Or il sera très difficile en France, quoique possible, d’abolir la propriété, à cause du nombre trop grand de propriétaires. L’égalité trouvera donc là, très longtemps, une borne très difficile à extirper, et la souveraineté nationale, un obstacle très difficile à franchir. Et, tant qu’un droit de l’homme existera, les autres se grouperont autour de lui et se soutiendront de son appui et les uns les autres. Longtemps l’individu revendiquera son droit, — prétendu, si vous voulez, — de travailler plus qu’un autre, d’être plus intelligent qu’un autre, et de posséder plus qu’un autre et d’en faire profiter ceux qu’il aime. Et cette prétention, parfaitement aristocratique, je le reconnais, il sera forcé, pour la soutenir, de faire appel à tous les autres droits, au droit de liberté, au droit de sûreté, aux garanties constitutionnelles, au droit de résistance à l’oppression. Cette fois nous sommes en présence d’une borne et d’un frein qui sont assez considérables.

« L’idéal rationnel » ne sera donc pas atteint de longtemps ; je crois même qu’il ne le sera jamais. Mais on s’en rapprochera de plus en plus. C’est précisément pour cela qu’on n’en aura jamais fini avec la Révolution. Ses revendications seront perpétuelles, parce que son objet est inépuisable. La marche de l’égalité ne s’arrêtera pas, parce qu’elle n’aura jamais atteint son but ; les conquêtes de la souveraineté nationale ne s’arrêteront pas, parce qu’elle n’aura jamais rempli ses frontières naturelles. La Révolution est éternelle, parce qu’elle ne sera jamais accomplie ; mais aussi, à ce qu’elle s’approchera toujours de plus en plus de son idéal rationnel sans jamais l’atteindre, elle gagne ceci d’être éternelle.


EMILE FAGUET.