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sur les accident, au moins, de l’histoire humaine. Et M. Aulard, qui le sait, tient compte, par exemple, de Mme Roland, qui pourrait bien être responsable du 31 mai, et pour cette seule raison, ou pour cette raison principale, qu’elle trouvait Danton très laid. Ou est toujours femme quand on est née comme cela ; et, M. Aulard le dit sans ambages, « c’est par leur figure qu’elle jugeait les gens. » On lui présente Vachard : « Je gémis, écrit-elle, du prix qu’il fallait attacher au patriotisme d’un individu qui avait toute l’encolure de ce qu’on appelle une mauvaise tête… » Passe pour Vachard ; mais on lui présente Danton : « Je regardais cette figure repoussante et atroce ; et, quoique je me disse bien qu’il ne fallait juger personne sur parole, que l’homme le plus honnête devait avoir deux réputations dans un temps de parti, je ne pouvais appliquer l’idée d’un homme de bien sur ce visage. » Le nez de Danton, s’il eût été mieux fait, la face du monde eût été changée. — On me dira que non ; que, simplement, le 31 mai eût été fait par les Girondins-Dantonistes contre les Montagnards, que la Terreur eût été girondine, que Thermidor eût été fait contre Danton et Vergniaud et que le compte y eût été. Il est possible.

Mais, de l’excellent chapitre de M. Aulard, il faudra toujours retenir ceci : que Girondins et Montagnards ont les mêmes idées, les mêmes sentimens et se valent ; que ce qui distingue les Girondins, c’est qu’ils n’aiment point Paris, et peut-être qu’ils sont plus systématiques et à coup sûr moins habiles, et enfin qu’ils sont tous amoureux d’une femme, très intelligente, sans doute, encore qu’on fait beaucoup surfaite, mais qui n’était pas du tout homme d’Etat. Dans une de ces formules qu’il aimait, Royer-Collard aurait dit ; le Girondin est un être systématique et amoureux. En politique et surtout en temps de révolution, c’en est assez pour échouer toujours.

Peut-être y aurait-il lieu de chicaner bien davantage M. Aulard sur la question du 18 Brumaire. Je m’étonne un peu qu’il dise, page 572 : « Cette bourgeoisie si sage, si éprise d’idéal, à quoi aboutira-t-elle définitivement après quatre ans de règne ? Elle livrera la France à Bonaparte ; » alors qu’il sait déjà tout ce qu’il écrira pages 693, 765 et autres, c’est à savoir que, « quand on apprit à Paris l’arrivée de Bonaparte à Fréjus, ce fut une explosion d’allégresse dans les théâtres, dans les cales, dans la rue ; » que « Bonaparte faisait un voyage triomphal ; » que « la