Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 4.djvu/644

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

combinant l’article : « Aucune portion du peuple… » et l’article : « Que tout individu qui usurperait…, » ce qui paraît permis, on arriverait à cette conclusion que la moi lié moins un a le droit de mettre à mort cette usurpatrice moitié plus un, si elle le peut ; et ce ne serait, après tout, qu’une application un peu vive de l’article : « La souveraineté est une et indivisible, » lequel semble bien affirmer que la souveraineté est dans l’unanimité des citoyens.

On voit très bien que les rédacteurs de la Déclaration de 1793 ont évité le mot majorité. Ils n’ont pas osé dire : « La souveraineté est dans la majorité de la nation. Elle est sans appel. Elle est sans contrepoids. Elle est sans limites. Les citoyens qui appartiennent à la minorité n’ont aucun droit. » — Ils ne l’ont pas osé ; car alors que devenaient les droits de l’homme ?

Ils l’ont si peu osé qu’ils ont dit le contraire, par une dernière contradiction qui est la plus violente de toutes : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. » Voyez-vous ou la contradiction, ou l’ambiguïté, ou la supercherie, du reste inconsciente ? Si par « les droits du peuple » il faut entendre « les droits de l’homme, » ceci est la proclamation des droits de la minorité ; ceci veut dire : « Les droits de l’homme sont au-dessus des décisions de la majorité. S’ils sont violés, le droit à l’insurrection est ouvert. Et peu importe que ce soit une décision de la majorité qui les ait violés, n’y eût-il qu’une portion du peuple pour les revendiquer, elle est dans le droit. » Et l’on peut bien interpréter ainsi, car enfin cet article est le dernier de la Déclaration des Droits de l’homme ; il en est la conclusion ; il doit on contenir la sanction. Voici vos droits. Si je les viole, quelle sanction ? La voici. Dernier article, dernier recours.

Mais si l’on entend par « droits du peuple » le — et non les, qui n’aurait aucun sens — le droit du peuple en son ensemble, qui est d’être souverain, cela veut dire, au contraire, que, quand le gouvernement brise une décision du peuple souverain, comme par exemple en fructidor, le peuple doit se soulever, toute portion du peuple a le droit de se soulever ; et par parenthèse c’est la justification préventive du 18 Brumaire. Et voilà une redoutable ambiguïté.

La vérité est peut-être que les rédacteurs, s’étant occupés