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pas canalisé le fleuve et reporté l’embouchure au confluent de la Riscle, les eaux poissonneuses qui baignaient ses vieilles murailles lui conservaient une importance considérable comme port de pêche. Des bandes de marsouins venaient alors au pied de la falaise, remontaient même la Seine ; et l’on sait que, le marsouin étant le plus vorace des poissons, sa présence est l’indice de la richesse des eaux. Aujourd’hui, l’agriculture a gagné ce que la pêche a perdu ; et les pêcheries, qui alimentaient si abondamment les opulentes abbayes de Saint-Vandrille et de Jumièges, se sont peu à peu transformées en prairies. L’ancienne rade, dans laquelle, au cours d’une seule année, mouillaient en relâche et s’amarraient quelquefois plus de 2000 bateaux pour attendre la marée montante, est presque complètement abandonnée. Depuis les travaux d’endiguement de la Basse-Seine, Quillebeuf n’est plus qu’un havre d’attente en rivière, le long du quai maçonné de près de 500 mètres suivi d’un quai en charpente de 300 mètres, tous deux munis de cales d’accostage presque toujours disponibles. La mer, qui venait battre ses murs, en est éloignée aujourd’hui de près de 15 kilomètres ; et, n’était l’embarquement de quelques produits agricoles et l’arrivée d’un peu de charbon de terre destiné aux remorques, le mouvement du port serait à peu près insignifiant.


X

En face de Quillebeuf, sur la rive droite, s’ouvre la vallée du Bolbec. Le Bolbec n’est plus aujourd’hui qu’un très modeste affluent de la Seine. C’était autrefois un cours d’eau très important, qui débouchait dans un véritable golfe 1res largement ouvert ; et Lillebonne, encore traversé par le petit ruisseau qui fut une véritable rivière et qui est séparé du grand fleuve par une plaine d’alluvions récentes de près de 6 kilomètres, était jadis un sérieux port de mer, et très probablement l’un des plus importans de la côte occidentale de la Gaule.

« Il y a, écrivait Strabon, au premier siècle de notre ère, quatre lieux d’embarquement usités pour passer du continent en Bretagne ; ils sont aux embouchures du Rhin, de la Seine, de la Loire et de la Garonne. » Il ne pouvait être question du Havre à l’époque romaine. La plaine de l’Heure ou de Leure, dont le nom dérive peut-être d’ora (rivage, bouche, embouchure) et où