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L’Orne débouche en mer entre les deux pointes sablonneuses du Siège et de Merville, distantes seulement de près de 800 mètres l’une de l’autre. Le lit de la rivière s’élargit tout de suite en amont entre Sallenelles et Ouistreham, mais naturellement aux dépens de la profondeur. A l’aval, la baie, très largement ouverte, est limitée à l’Ouest par les rochers de Lion-sur-Mer et de Langrune, à l’Est par les dunes de Merville. Le courant fluvial se ramifie en chenaux très variables, et les eaux divaguent à travers des sables mobiles qui forment une série de bancs dont le relief, la forme, l’étendue changent après chaque crue de la rivière, chaque tempête de la mer, quelquefois même après chaque quartier. Ces perturbations incessantes transforment à chaque instant les mouillages en écueils, et les barques peuvent quelquefois échouer à la place même où elles flottaient la veille. Peu de rades cependant présentent un meilleur fond pour l’ancrage ; mais ce fond est malheureusement d’une instabilité désespérante, et l’ancienne fosse de Colleville, qui, au dire des commissaires de Richelieu chargés, en 1640, de faire l’inspection générale de la côte, avait à mer basse une profondeur de 2 mètres et dans laquelle Colbert eut un moment l’idée de créer un grand abri pour la flotte du roi, est aujourd’hui entièrement comblée par les atterrissemens et en partie livrée à la culture maraîchère.

L’Orne était parfaitement connue des anciens. Ptolémée donne très exactement les coordonnées de son embouchure ; et elle devrait, d’après son ancien nom grec et latin, s’appeler plutôt l’Olne que l’Orne. Aucun géographe classique ne mentionne de port dans son estuaire. Si donc quelques navires y ont mouillé aux premiers siècles de notre ère ou même au moyen âge, ce ne devait être que d’une manière temporaire ; et il n’y avait certainement ni bassins, ni quais, ni estacades, aucune installation régulière. L’extrême mobilité et l’engorgement de la passe ne pouvaient être combattus que par des chasses énergiques. C’est l’eau en abondance qui devait triompher des sables. Car l’Orne à elle seule est impuissante à les entraîner. La fixation des dunes voisines de l’embouchure a sensiblement amélioré la situation. Les coteaux qui ferment la baie sont maintenant couronnés de verdure, et le sable n’est plus emporté comme autrefois en tourbillons ; mais, en basse mer, l’estran présente toujours une surface meuble que les vents violens bouleversent sans cesse ; et le