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Pour qu’un pareil ordre puisse régner, des réformes sont nécessaires, ou plutôt des transformations. Reléguer au loin la force parasite, mettre au premier plan le travail producteur, ce sera la vraie révolution. Elle ne sera pas tant « dans l’hégémonie de telle forme politique donnée (république, empire, monarchie) que dans l’avènement au pouvoir de l’industrie, dans la substitution du régime industriel au régime féodal[1]… Tout se faisant par l’industrie, tout doit se faire pour elle[2]… La classe industrielle est la classe fondamentale, la classe nourricière de la société. » Numériquement, d’ailleurs, cette classe forme « les vingt-quatre vingt-cinquièmes de la nation ; » car elle comprend les fabricans, les commerçans, les banquiers, proclamés par excellence les hommes utiles à l’humanité ; elle n’exclut pas l’agriculture traitée comme une espèce d’industrie et qui n’est point sacrifiée ; et entre les industriels elle ne distingue pas, elle ne connaît pas de patrons et d’ouvriers. « Industriel » veut dire également patron et ouvrier. L’entrepreneur est un « industriel, » et c’est un homme utile aux hommes ; l’ouvrier est un industriel, et c’est aussi un homme utile aux hommes. Puisque l’objet de la politique sociale est la production, par cela même est politique, est social tout ce qui est productif, et tout ce qui est improductif est anti-politique et anti-social. L’antagonisme n’est donc ni entre fabricans et agriculteurs, ni entre patrons et ouvriers : puisque tous sont utiles, tous composent une seule et même classe, la classe industrielle, autrement dit la classe productive ; l’antagonisme est entre cette classe tout entière et la classe improductive, — la noblesse, le clergé ; — entre les « travailleurs » et les « oisifs ; » entre les « abeilles » et les « frelons. » Le crime d’État pire que tous les crimes, c’est l’oisiveté, et par conséquent, au-dessus de toutes les vertus, la vertu d’Etat, c’est le travail. L’Etat doit être du haut en bas orienté, tendu et comme bandé vers le travail.

Dans cet Etat, pour cette politique, deux partis, pas un de plus : la classe productive, parti industriel, « parti national, » et la classe improductive, « parti anti-national. » Il faut arracher le pouvoir au parti anti-national, le donner au parti national. Il faut le lui donner pour développer, multiplier, « universaliser le

  1. Cf. Catéchisme des Industriels, 2e cahier, dans les Œuvres choisies, t. III, p. 127.
  2. Catéchisme, 1er cahier. Œuvres choisies, t. III, p. 68.